11 avril 2011
Vers le sommet du Kilimandjaro
Alona Bondarenko
(info sur Alona Bondarenko)
Victoire en double à l’Open d’Australie
Thomas Kieller
Élancée, agile et en grande forme, Alona se déplace avec légèreté sur le court. Sa fluidité dans les mouvements et son approche lors d’un match viennent tout simplement nous chercher. Son style de jeu est surtout axé sur les longs échanges où elle est manifestement plus à l’aise en jouant sur la ligne de fond de terrain. Certes, elle peut aisément varier son jeu. Étant naturellement rapide, elle récupère avec adresse les coups bien placés et les amorties de ses adversaires. Déterminée et avec un soupçon d’émotion qu’elle laisse parfois paraître, cette joueuse élégante se bat pour chaque balle. Au bout du compte, elle offre aux spectateurs des jeux enlevants. D’ailleurs, les résultats ont été au rendez-vous à plusieurs reprises pour l’Ukrainienne originaire de Kryvyï Rih, une ville au sud-est de Kiev. En effet, elle a remporté les grands honneurs en simple lors de deux tournois de la Women's Tennis Association (WTA), c’est-à-dire au Luxembourg et en Autriche. Ces succès sont encore plus nombreux en double. Jusqu’à maintenant sa plus belle performance en carrière a été réalisée en 2008 avec sa sœur Kateryna en remportant avec brio l’Open d’Australie. Cette grande victoire lors de ce tournoi du Grand Chelem lui a manifestement donné beaucoup de confiance et de motivation à poursuivre sur sa lancée. D’autre part, elle a aussi participé à de nombreuses occasions à la Fed Cup et une fois aux Jeux olympiques où elle a représenté fièrement son pays. Ses aspirations de victoire en simple la poussent vers les plus hauts échelons du classement chez les dames. Nul doute qu’Alona se battra toujours ardemment lors de ces matchs pour atteindre ses objectifs au cœur du tennis féminin.
L’entrevue téléphonique a été réalisée le 14 septembre 2010 à 14h lorsque Alona était à Kiev, Ukraine.
Progression en simple
Thomas Kieller : Tu es devenue professionnelle en 1999; est-ce que ta progression lors de tes premières années (1999 à 2001) dans la WTA fut difficile?
Alona Bondarenko : Oui, ce n’est pas facile de commencer une carrière et de garder le rythme tout le temps. Plus jeune, j’ai beaucoup joué au tennis et j’ai pratiqué durement. D’ailleurs, je n’ai jamais arrêté. D’autre part, la difficulté provient essentiellement de la compétition, et à ce moment là, je ne connaissais pas vraiment les joueuses sur le circuit. Je devais donc les observer pour comprendre leurs styles de jeu et pour les battre.
Thomas : Et qu’est-ce que tu as appris durant ces années?
Alona : Tu dois être concentrée tout le temps. La clé du succès c’est qu’il faut garder le focus sur ses objectifs et il faut vraiment donner de son mieux. Il n’y a pas de temps pour relaxer ou de prendre son temps d’une quelconque manière.
Thomas : Après quelques années, tu as remporté deux tournois de la WTA en simple. Le premier fut le championnat Fortis au Luxembourg en 2006. Je suppose que cette victoire fut un grand moment après sept années d’attente?
Alona (lance sur un ton joyeux) : Bien entendu, j’étais vraiment contente. Toutes les joueuses me félicitaient. C’était vraiment incroyable pour moi.
Thomas : Ce tournoi du Luxembourg est catégorisé Tier 2. Pour gagner le championnat, tu as affronté de très bonnes joueuses comme les Françaises Mary Pierce et Nathalie Dechy ainsi que l’Italienne Francesca Schiavone que tu as battue en finale 6-3, 6-2. Peux-tu me dire ce que cela prend pour gagner un tel tournoi, car cela doit être difficile?
Alona : Oh oui ce le fut et je sais que j’ai beaucoup pratiqué pour être fin prête à aller jusqu’à la fin. C’est vraiment dur de jouer contre ce style de joueuses comme Mary Pierce et Francesca Schiavone parce que, comme tu sais, elles sont bonnes dans ce qu’elles font. Donc, il faut jouer son meilleur tennis pour les battre. J’ai dû être régulière dans chaque match et je me souviens que ce n’était pas facile. Je me concentrais sur mon match et je ne pensais pas du tout au prochain ou à ce que j’allais faire demain. Ma stratégie était de me concentrer sur le moment présent.
Thomas : Ta seconde victoire en simple est arrivée quatre ans plus tard à Hobart, Autriche contre Shahar Pe’er d’Israël. On voit bien que le niveau est très élevé dans le WTA?
Alona : Oui, la compétition est féroce et bien sûr c’est difficile comme dans n’importe quel sport. Je dois pratiquer tout le temps et essayer de bien faire mon travail.
Entraînement régulier
Thomas : Afin d’améliorer ton jeu, ton classement et bien entendu pour gagner un tournoi, tu t’entraînes sur quoi présentement?
Alona : Présentement, je suis à la maison et je m’entraîne sur tous les aspects du tennis parce que je pense qu’il n’y a pas seulement une facette de mon jeu que je dois améliorer. Toutefois, je mets surtout l’accent sur mon service qui nécessite d’être peaufiné. En ce qui concerne le conditionnement physique, je cours tout le temps et je fais du vélo. Je travaille aussi dans une salle de conditionnement physique qui, bien entendu, fait parti de mon entraînement régulier. En résumé, je travaille deux fois plus le tennis si je compare cela au fitness. Si j’additionne tout, cela représente quatre heures d’entraînement par jour.
Thomas : Si je comprends bien, tu n’arrête jamais d’apprendre de nouvelles choses afin d’améliorer ton jeu?
Alona : À tous les matchs, il y a toujours un aspect du jeu que je peux améliorer. Je trouve ça bien intéressant car cela amène de la nouveauté.
Jouer en double et la victoire avec ta sœur à l’Open d’Australie
Thomas : Tu as joué en double avec de nombreuses joueuses. Avec ton expérience, est-ce que l’approche est complètement différente d’une joueuse à l’autre?
Alona : Oui, il y a des différences. Quand tu joues régulièrement avec une personne, tu sais ce qu’elle va faire et tu es prête pour ces coups. Lorsque tu changes de partenaires, tu ne connais pas nécessairement cette personne… Pour avoir une équipe bien rodée, c’est bien mieux de connaitre la personne avec qui tu joues et cela s’applique à bien des aspects du jeu.
Thomas : Tu as gagné plusieurs championnats de la ITF et de la WTA en double avec ta sœur ainée Valeria, avec Galina Fokina, Anastasiya Yakimova et aussi avec ta sœur cadette Kateryna. Est-ce que tu as vu une différence majeure au point de vue du style de jeu entre ces quatre joueuses?
Alona (explique avec enthousiasme) : Avec Kateryna, cela a toujours était mieux parce que nous nous connaissons vraiment très bien et nous anticipons ce que l’autre va faire sur le court. Avec les autres filles que tu as mentionnées, nous avons de bons résultats aussi mais ce n’était pas relié au fait qu’on se connaissait. Nous avons tout simplement bien joué. En double, c’est bien mieux de connaître la personne avec qui tu joues. De cette façon, l’équipe est bien plus performante.
Thomas : Est-ce qu’il y a beaucoup d’improvisation en double si l’on compare avec le jeu en simple?
Alona : Oui, je le crois, mais il en reste qu’en double il faut toujours parler avec sa ou son partenaire à propos de ce que tu vas faire et ce que tu penses faire sur le court.
Thomas : Avec Kateryna, avez-vous des entraînements spécifiques pour le double?
Alona : Oui, mais seulement à l’occasion. Durant ces sessions d’entraînement, nous pratiquons davantage les volées. Nous parlons de stratégies ensemble tout en y appliquant notre coach dans nos conversations. Cependant, lorsque nous pratiquons le tennis, nous touchons un peu à tout parce que, moi et Kateryna, nous jouons en simple et en double. Comme tu le sais, les deux façons de jouer ont des similitudes.
Thomas : Quand tu as commencé à jouer avec Kateryna sur le circuit de la WTA, comment as-tu géré ta relation avec elle sur le court et à l’extérieur?
Alona : Nous essayons de ne pas trop parler de tennis à l’extérieur du court. C’est notre approche face au tennis et de cette manière nous nous concentrons sur une chose à la fois. Par contre, durant les pratiques ou bien lorsque nous jouons ensemble un match, nous parlons beaucoup et nous nous encourageons.
Thomas : Pourrais-tu me décrire ta progression avec ta sœur au fil des années?
Alona : À vrai dire, je dois dire que j’ai débuté avec ma sœur ainée Valeria, puis quand Kateryna a grandi, nous avons commencé à voyager ensemble d’un tournoi à l’autre. Puis, naturellement, nous avons débuté à jouer en double ensemble. Depuis nos débuts, nous nous sommes beaucoup améliorées.
Thomas : D’ailleurs, est-ce qu’il y a beaucoup d’émotions quand on joue avec sa sœur?
Alona (affirme aussitôt) : Bien sur qu’il y en a. Comme dans n’importe quel sport, il y a de l’émotion et parfois c’est dur de garder cela à l’intérieur!
Thomas : Est-ce que c’est plus facile de jouer avec un membre de sa famille concernant les émotions…
Alona (rit) : C’est vraiment différent parce que tu ne peux pas dire ou faire tout ce que tu veux d’un partenaire à l’autre, mais avec ta sœur tu peux le faire. Nous sommes vraiment très proches.
Thomas : En 2008, un moment magique est arrivé pour toi et Kateryna. Vous avez gagné l’Open d’Australie, un des quatre tournois majeurs du Grand Chelem. Quel ont été les éléments importants qui ont fait en sorte que vous avez si bien joué?
Alona (raconte sur un ton joyeux) : Avant la saison, nous avons pratiqué un peu plus que d’habitude le jeu en double et nous avons travaillé plus particulièrement les volées. Pourtant, nous n’avions pas prévu faire aussi bien lors de l’Open d’Australie. Nous avons tout simplement suivi notre plan de match et de fil en aiguille nous avons réussi.
Thomas : On sait tous que le chemin est long pour se rendre à la finale d’un tournoi majeur. Au fil de votre parcours, vous avez fait une belle surprise en battant les deux filles classée numéro un lors du tournoi, c’est-à-dire Cara Black du Zimbabwe et Anke Huber de l’Allemagne. Est-ce que cette victoire vous a donné une bonne poussée?
Alona : Oui, cela nous a donné beaucoup de confiance et nous avons bien mieux joué après. C’était notre plus grande victoire avant de gagner l’Open d’Australie. Toutefois, nous avons apprécié et accepté cette victoire aux dépens de Cara et Anke, puis aussitôt nous nous sommes concentrées sur notre prochain match. À ce moment-là, nous ne pensions pas que nous allions gagner le championnat.
Thomas : Quand le tournoi a progressé, est-ce que vous avez réalise de plus en plus ce qui arrivait?
Alona (dit joyeusement) : À vrai dire, nous nous concentrions toujours sur le match présent. Nous avons commencé à penser à la victoire du tournoi seulement lorsque nous étions en finale.
Thomas : D’ailleurs, le dernier chapitre n’a pas été facile. Lors de la finale contre Victoria Azarenka et Shahar Pe’er, vous avez perdu la première manche 6-2.1 Après tout ce que vous avez fait, cette piètre performance aurait pu briser le moral de votre équipe. Quelle a été votre réaction après cette manche?
Alona : Nous étions très désappointées et nous savions qu’il fallait jouer bien mieux. Nous devions jouer comme nous l’avions fait en demi-finale et en quart-de-finale. Nous avons parlé ensemble afin de revenir dans le match. Je me souviens que Kateryna est allée au vestiaire pour se laver le visage dans le but de relaxer un peu car elle était très nerveuse. Après, le reste c’est de l’histoire.
Thomas : De partager ce moment et tout ce tournoi avec ta sœur cela a dû être quelque chose d’extra?
Alona : Oui je le pense, mais je dois dire que nous partageons tout le temps nos bons coups au tennis. Après chaque victoire, nous célébrons. Bien entendu, l’Open d’Australie est notre plus grande réalisation à deux et c’était incroyable de le vivre avec elle. Personne en Ukraine n’a gagné un tournoi du Grand Chelem avant nous. Nous l’avons fait et c’était merveilleux pour moi et Kateryna.
Thomas : Après cet incroyable résultat, est-ce que vous avez fait un party pour célébrer l’événement?
Alona (rit) : À vrai dire, nous devions nous dépêcher pour prendre l’avion. Après avoir terminé la finale, il ne nous restait que trois heures avant notre vol vers l’Ukraine. Avant de prendre l’avion, nous devions faire le contrôle anti-dopage, faire nos bagages et aller à l’aéroport. Je peux te dire que quand nous sommes arrivées en Ukraine, nous avons eu une bonne fête avec les amis et la famille.
Derniers mots
Thomas : Et maintenant, il y d’autres tournois en simple et en double que tu veux bien entendu gagner. Donc, qu’est-ce qui t’attend maintenant?
Alona : Je veux être dans le top 10 du classement de la WTA en simple; c’est mon objectif. Je pratique tous les jours pour atteindre mon but.
Thomas : Et qu’en est-il de ton équipe avec Kateryna? Est-ce que vous allez toujours repousser vos limites pour offrir des matchs captivants?
Alona : Oui et je pense qu’on fait un bon duo. De plus, quand deux sœurs jouent ensemble dans la même match, je crois que c’est bien intéressant pour les fans du tennis car il y a beaucoup d’émotions.
Thomas : Merci Alona d’avoir partagé ta passion du tennis!
1. Alona et Kateryna ont gagné l’Open d’Australie en 2008 par le pointage de 2-6, 6-1, 6-4 contre la Biélorusse Victoria Azarenka et l’Israélienne Shahar Pe’er.
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