3 janvier 2008
Séverine Beltrame
(info sur Séverine Beltrame)Les sources de motivation
Thomas Kieller
Déterminée sur le court, Sévérine se lance sans retenu dans des matchs fort contestés. N’ayant pas peur de varier son jeu, elle offre au public un jeu attirant où la forme et la technique s’entrelacent. Qu’elle joue en fond de terrain ou tout près du filet, l’élégante française montre sa combativité et sa passion pour le sport qu’elle aime. D’ailleurs, ses motivations outrepassent ses résultats personnels. Elle est particulièrement fière de représenter son pays lors de la Fed Cup. Malgré un léger recul en 2007, nul doute qu’elle reviendra en force. Une joueuse de top niveau qui est manifestement aussi une personne remarquable dans la vie.
L'entrevue a été réalisée le 30 octobre 2007 à 13h15 dans la salle de conférence de presse du tournoi de tennis Challenge Bell de la Sony Ericsson WTA Tour qui se tenait dans un des édifices de l’Université Laval à Québec, Canada.
Prélude – Séverine arrive dans la salle de conférence de presse d’un air fort détendu après avoir battue avec aisance l’une des favorites locales, la Canadienne Marie-Eve Pelletier, par le pointage de 6-2, 6-3.
2007, une année difficile
Thomas Kieller : L’année passée, en 2006, tu as fini au 39e rang. Cette année cela a été un peu plus difficile, tu es présentement au 91e rang du classement de la WTA. A quoi expliques-tu cette baisse dans l’échelon mondial?
Séverine Beltrame : J’ai eu, au début de l’année 2007, des petits problèmes de santé. J’ai été embêtée par un virus pendant presque deux mois. J’ai eu du mal à m’en débarrasser ce qui fait que j’ai pris beaucoup de retard sur le plan physique et cela joue énormément sur les résultats parce que c’est pas facile après d’enchaîner les matchs. Et puis, il y a eu aussi des blessures. J’ai donc eu du mal à retrouver le rythme et la confiance que j’avais l’année dernière.
Thomas : Tu es donc insatisfaite de tes résultats en 2007?
Séverine : Oui, je suis forcément très déçue. Après la saison que j’ai faite en 2006, je m’attendais à autre chose pour 2007. Bon, l’année est maintenant presque terminée. J’essaie de la finir du mieux possible. Je me sens mieux. J’ai retrouvé un tout petit peu la forme. Je vais faire une bonne préparation et 2008 sera meilleure.
Tournois du Grand Chelem
Thomas : Malgré cette année 2007 difficile, il y a plusieurs éléments motivateurs qui peuvent t’inciter à progresser. En effet, lors du tournoi de Wimbledon 2006, il y a eu des moments forts pour toi. On peut se souvenir du bien beau parcours que tu as fait. Est-ce que c’est dans ce genre de moment qu’on se dit que tout le travail qu’on a fait en valait la peine?
Séverine (affirme sur un ton joyeux) : Oui, tout à fait. Wimbledon a été magique pour moi en 2006. Je suis passée par les qualifications et je suis arrivée en quart-de-finale. À ce moment-là, on oublie tous les efforts qu’on a faits et on se dit que cela en valait vraiment la peine. On est prêt encore et encore à mettre les efforts nécessaires pour revivre des moments comme celui-là.
J’essaie de faire de mon mieux pour que cela se passe bien lors d'un tournoi du Grand Chelem, car c’est vrai que pour nous, joueuses de tennis, c’est l’objectif principal. Un bon résultat lors d'un tournoi du Grand Chelem nous permet de faire évoluer notre classement assez rapidement et également financièrement. Je ne compte donc pas les efforts que je fais.
Thomas : Toujours Wimbledon 2006, tu as fais tomber une tête de série. Exit la 10e mondial! Tu as envoyé Patty Schnyder voir le vestiaire prématurément. C’était bien. Est-ce que battre les meilleures joueuses au monde t’envoie le message que tu te surpasses dans ce que tu fais?
Séverine : Quand on bat une tête de série comme Patty, une super championne qui a été dans le top 10, c’est vraiment une belle récompense. Lorsqu’on sort du terrain, on se sent vraiment plus fort mentalement et physiquement.
Pression
Thomas : Le tennis c’est ton métier et cela implique un aspect monétaire. Cet aspect jumelé à la performance du résultat amène une pression. Comment gères-tu cette pression qui vient du tennis professionnel versus jouer le sport que tu adores?
Séverine : Jouer au tennis c’est que j’aime faire le plus, mais il en reste que c’est aussi mon métier. C’est ce qui me fait gagner ma vie. Donc, c’est certain, il y a une pression financière. Quand tu n’as pas de bons résultats, il n’y a pas de « prize money » important ce qui se traduit par plus de pression pour les tournois suivants. Avec un peu plus de pression, on joue un peu moins bien. C’est un petit cercle vicieux. Pour une joueuse de tennis, trop de stress ou trop de pression peut nous rendre moins performante sur le terrain parce qu’on joue contracté. Si je ne joue pas de manière détendue et relâchée, les résultats ne suivront pas. Il faut donc vraiment faire abstraction de tout ce stress. J’ai la chance que ma maman s’occupe pour moi de tout le côté financier. D’un autre côté, la pression (qu’elle soit financière ou non) est quand même une source de motivation très importante parce qu’elle nous pousse à être meilleure.
Thomas : Est-ce que garder le focus de tournoi en tournoi est un élément clé du succès chez les professionnelles?
Séverine : Oui, la seule chose que je peux contrôler finalement c’est faire de mon mieux sur chaque match. Jouer à cent pour cent, m’entraîner à cent pour cent sans compter l’effort que je donne. Il suffit juste de tout donner à chaque match. La seule chose que je maîtrise vraiment c’est l’implication que je donne de moi-même. Et ensuite, il arrive ce qu’il arrive.
La Fed Cup, le plaisir et les objectifs pour 2008
Thomas : À l’inverse de cette pression, quelles sont tes autres sources de motivation qui font en sorte que tu progresses dans le tennis?
Séverine : Une autre source de motivation pour moi, c’est la Fed Cup, c’est-à-dire jouer pour l’équipe de France. Représenter mon pays, c’est quelque chose qui me tient à coeur. Or, pour y arriver cela dépend forcément de mes résultats et de mon classement mondial. Ma motivation est donc un petit peu partagée entre mes résultats individuels et d’une certaine façon par mes résultats pour l’équipe de France.
Thomas : As-tu un profond sentiment de plaisir à jouer au tennis, c’est-à-dire d’être sur le court devant tous ses spectateurs à échanger avec une adversaire coup sur coup?
Séverine : J’ai la chance d’avoir encore beaucoup de plaisir à jouer au tennis. En fait, cela ne fait pas longtemps que je suis sur le circuit. Il y a d’autres filles qui ont commencé plus tôt et qui sont un petit peu fatiguées. Je savoure chaque moment. J’essaie de le vivre à fond et le plus intensément que possible. Le moment que je préfère le plus c’est quand on entre sur le terrain et que voilà c’est parti. C’est comme si on entrait dans l’arène et il y a tout ce public autour qui applaudit. Qu’importe le résultat, qu’on gagne ou qu’on perde, c’est un moment qui est vraiment magique.
Thomas : As-tu des objectifs en tête pour 2008?
Séverine : Pour 2008, j’ai tout d’abord un objectif de classement. J’aimerais retourner au niveau que j’étais en 2006. Ensuite, j’aimerais refaire une deuxième semaine lors d'un tournoi du Grand Chelem. Atteindre les huitièmes de finale, on verra bien! Au moins faire une deuxième semaine, cela serait super. J’aimerais aussi réintégrer l’équipe de France. Il y a une rencontre dès le mois de février 2008. Je ne sais pas si je vais faire partie de l’équipe, cela dépend de mon classement. En tout cas, ce sera toutes mes motivations pour l’année prochaine.
Entraînement
Thomas : Si je fais un récapitulatif de ta carrière, de 2002 à 2007, on peut constater que tu as progressé significativement. Certes, de 2004 à 2005, il y a eu un petit recul de sept rangs. Par contre en 2006, tu es revenu en force avec une superbe année. Puis, en 2007, une nouvelle chute. Tu vas travailler sur quoi pour revenir plus forte en 2008?
Séverine : Je pense que je vais beaucoup travailler physiquement parce que j’ai perdu un peu de ma condition physique à cause des blessures et du virus que j’ai eu. Ma préparation physique sera un aspect important pour bien réussir l’année prochaine. Toutefois, je crois qu’on ne peut pas jouer au tennis sans pratiquer le sport. Il faut être sur un terrain est frapper des balles. Je vais essayer de passer beaucoup de temps sur le court. Je vais peut être descendre de catégorie de tournoi pour jouer avec des filles un peu moins bien classées. De cette façon, je pourrais accumuler des victoires et donc de la confiance.
Thomas : Es-tu une personne qui aime s’entraîner que cela soit sur le plan technique ou en gymnase?
Séverine : Cela ne me dérange pas du tout, car c’est quelque chose que j’apprécie. J’ai du plaisir à me dépenser. Lorsqu’un entraîneur me motive dans la bonne direction, j’aime bien.
Thomas : Dans l’entre saison, vas-tu te pencher sur tes objectifs avec ton entraîneur?
Séverine : Oui, je prévois qu’il y aura peut être plus d’entraînements physiques que de tennis. Je vais travailler le cardio-vasculaire et la force. Ensuite, quand je me rapprocherais plus des tournois, je vais revenir sur des choses plus en vitesse et plus spécifique au tennis.
Thomas (lance à la blague) : Est-ce que tu t’attends à une longue discussion avec ton coach?
Séverine (dit en riant) : Eh bien oui, j’ai toujours de longues discussions avec mon coach... surtout à cause que c’est mon mari. Nous parlons tout le temps de tennis. Et de longues discussions, je m’attends à cela.
Tennis féminin
Thomas : Dis-moi Séverine, pourquoi un spectateur devrait venir voir du tennis féminin ou te voir performer?
Séverine : Je pense que le tennis féminin c’est vraiment amélioré. Le jeu offert peut être une attraction intéressante pour le public. Les filles ont vraiment progressé physiquement. Elles frappent plus fort dans la balle. Il y a des longs échanges ce qui n’est pas pareil chez les garçons. De plus, il y a beaucoup de sortes de jeu chez les filles. Certaines restent au fond du terrain. Pour ma part, j’essaie d’aller au filet le plus souvent possible. J’aime bien faire la différence de cette façon. Je crois aussi que la WTA essaie de rendre le tennis féminin de plus en plus agréable à regarder avec de belles joueuses qui font des efforts vestimentaires pour être jolies. Si on prend le tout, cela peut certainement donner du plaisir au public. Vrai!
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