Athlétique et combatif, Puyol n’hésite jamais à se mesurer aux meilleurs attaquants adverses. Dans ces face-à-face, il coupe court plus souvent qu’autrement les projets offensifs de ses opposants. Même s’il est hargneux en défensive, il est un joueur propre qui commet peu de fautes et qui écope rarement de cartons. Le Catalan ne fait rien à moitié tant pendant les matchs qu’à l’entraînement. Un type de joueur qui se sacrifie pour son équipe. Un capitaine et surtout un bon coéquipier qui rayonne sur son entourage. Il a remporté avec le FC Barcelone le championnat 2004-2005 de la première division espagnole. Nul doute qu’avec lui le Barça va répéter l’exploit. Puyol a démontré sa fougue sur le terrain à plusieurs reprises avec la sélection nationale espagnole. Un homme intense, un joueur redoutable.
L'entrevue a été réalisée le 2 octobre 2005 à 12h dans le salon du siège social du FC Barcelone, Espagne. Elle a été faite en anglais et en catalan avec l'aide du traducteur Jose Miguel Terés.
Prélude – Puyol revient d’un entraînement léger et axé sur la course. Il est décontracté et de bonne humeur.
Intensité et leadership
Thomas Kieller : Mardi dernier, lors du match de la Coupe des champions opposant le FC Barcelone et Udinese (Italie), tu as bien réagi sur une action. Le gardien de Barcelone a fait une gaffe lors de la 2e demie en redonnant directement la possession à l’adversaire. Sans hésiter, tu as foncé sur le ballon pour le récupérer et tu l’as botté à l’extérieur du terrain. Après cette action, tu as vu que la foule ne réagissait pas. Tu as donc demandé leur support en claquant les mains. La foule a aussitôt réagi. Est-ce que les supporters de Barcelone sont un facteur important pour le succès de l’équipe?
Puyol (affirme sans hésitation) : Oui. Les supporters du FC Barcelone sont parmi les meilleurs au monde. Avec leur appui, tout est plus facile pour nous.
Thomas : Après cela, tu t’es tourné vers ton gardien pour l’encourager. Est-ce qu’il est important de s’entraider, d’aider un coéquipier?
Puyol : Nous sommes une équipe et nous devons nous aider. Pour moi, Victor (Valdés Arribas) est un grand gardien de but, l'un des meilleurs au monde. Mais tout le monde peut se tromper lors d'un jeu. Lorsqu'un de mes coéquipiers fait une erreur, moi et toute l'équipe nous sommes toujours là pour l'aider.
Thomas : Est-ce que tu penses que le football n’est pas un show d’une personne, mais un jeu collectif, donc, quand tu perds ou gagnes c’est comme une équipe?
Puyol : Je dis toujours qu'on est une équipe aussi bien dans la victoire que dans la défaite. Il faut jouer avec cette mentalité, car la victoire devient impossible au moment où on cesse d'être une équipe.
Thomas : Par cette action, tu as prouvé à nouveau ton leadership. Est-ce que tu essaies de montrer cette caractéristique en travaillant fort lors des parties et aussi durant les entraînements?
Puyol : J'essaie de donner toujours mon 100 %. J'ai ma façon de jouer et d'agir sur le terrain, en donnant tout de moi. Beaucoup de monde pense que c'est une question d'affirmation de leadership, mais pour moi c'est uniquement ma façon de jouer. Capitaine ou pas, j'agirais toujours de la même façon.
Thomas : Est-ce que tu travailles fort lors des entraînements?
Puyol : Au maximum. Pour moi, jouer au foot est un divertissement. C'est ce qu'il y a de mieux au monde. J'ai la chance de travailler dans ce que j'aime le plus et venir m’entraîner tous les jours et y rester le temps qu'il faut n'est pas un sacrifice.
Thomas : Oui, ce n’est pas à cause du fait que tu fais des entraînements que tu ne peux pas apprécier le foot. Lors de l’entraînement de mercredi dernier, les joueurs faisaient un exercice où deux personnes étaient au centre et tentaient d’intercepter les passes des dix autres joueurs. Vous aviez du plaisir et vous pratiquiez à la fois vos passes et vos réceptions. Quand on apprécie le football de cette manière, est-ce que c’est bon pour l’esprit d’équipe et l’entraînement?
Puyol (dit avec dynamisme) : En plus de travailler, c'est important de le faire en s'amusant. Avec le FC Barcelone, les entraînements sont toujours très agréables, avec beaucoup de touches de ballon. Il est vrai qu'on travaille physiquement, mais il y a toujours l’attrait du ballon. C'est un peu tromper le joueur, parce qu'il travaille beaucoup tout en pensant à s'amuser. Cela est très bénéfique.
Thomas : Tu as fait une évolution, étape par étape, dans le football, c’est-à-dire que tu as commencé avec ton équipe locale La Pablo de Segur, puis tu as monté avec la Barça B pour finalement arriver avec la 1re équipe. Est-ce que cela t’as fait réaliser que travailler est l’une des clés permettant de devenir un bon joueur de football?
Puyol (confirme avec un peu d’émotion) : Oui. Je crois qu'il est très important de toujours travailler au maximum, écouter toujours les conseils des entraîneurs et des coéquipiers, essayer de s'améliorer un peu plus tous les jours. Si je n'avais pas fait tout ça, je ne serais pas ici pour t’en parler, j'en suis sûr.
Thomas : Et toi, est-ce que tu donnes des conseils aux recrues ou bien tu gardes tes secrets de football?
Puyol : J'ai ma propre façon de jouer et j'ai développé quelques trucs. S'il s'agit d'un de mes coéquipiers, je les lui apprends avec plaisir, car ce sont des choses qui fonctionnent pour moi. Entre coéquipiers, il faut s'entraider.
Thomas : Quand tu as commencé comme joueur de football, est-ce qu’il y avait quelqu’un ou plusieurs personnes pour t’aider à devenir un joueur intense et un leader?
Puyol (se rappelle des personnes importantes qui l’ont aidé à évoluer dans le football) : Il est clair que j'ai bénéficié de l'aide de beaucoup de gens. Mais s'il fallait mentionner une personne en particulier, ce serait Joan Martínez Vilaseca qui m'a recruté pour le FC Barcelone. Ensuite, une autre personne très importante pour moi a été Louis van Gaal, car c'est avec lui comme entraîneur que j'ai fait mes débuts. À l'époque ma situation était très difficile et j'étais sur le point de partir. Mais il m'a fait confiance. Je nomme ces deux personnes, mais il y en a beaucoup d'autres qui m'ont aidé. Tous les entraîneurs que j'ai eu et beaucoup de mes anciens coéquipiers ont compté pour moi. Enfin, beaucoup de monde.
Championnat espagnol et FC Barcelone
Thomas : Quels sont les caractéristiques du championnat espagnol si nous le comparons à la Premiership anglaise ou à la première division italienne?
Puyol (sourit avant de donner sa réponse) : Je crois, quoique un peu moins aujourd'hui, que le meilleur football est en Espagne, c’est-à-dire un foot de touches, de jeux et de qualité. En Italie, le football est trop défensif, même si tactiquement les joueurs sont toujours bien placés. Enfin, en Angleterre on joue un football plus direct où l'on se déplace rapidement d'un but à l'autre, mais où tout est fait de manière un peu trop expéditive.
Thomas : Dans plusieurs sports nord-américains comme le baseball et l’hockey, beaucoup de joueurs changent d’équipes. Tu es avec le FC Barcelone depuis six ans et tu es sous contrat jusqu’en 2010. Est-ce que tu t’identifies comme un joueur du Barça?
Puyol : Oui, parce que j'ai fait toute ma carrière avec le FC Barcelone. Etre ici est un rêve devenu réalité et j'essaie d'en profiter à tous les jours. Je suis sous contrat jusqu'en 2010 et j'aimerais bien y rester plus longtemps. Mais je suis conscient que ce sera difficile, car les exigences sont très élevées. Je vais travailler très fort pour rester au-delà de 2010.
Thomas : Les joueurs du FC Barcelone sont unis. Est-ce que le sentiment de faire partie d’une famille est la clé des récents succès de l’équipe?
Puyol (dit avec conviction) : L'unité dans le vestiaire est très importante, car parfois on a à passer des moments difficiles. Et lorsque nous nous serrons les coudes en tant que coéquipiers, tout est beaucoup plus facile. Si chacun ne fait que passer par ici, bref si nous sommes divisés, ces moments sont plus durs. Nous avons beaucoup de chance d'être unis.
Thomas : Levé le trophée de la ligue espagnole, l’année dernière, au stade Nou Camp a-t-il été une belle réalisation pour toi?
Puyol (enjoué) : Oui. Il est clair que mon premier titre de champion avec le FC Barcelone, dans une ligue très importante, est un souvenir que je n'oublierai jamais. Mais c'est déjà du passé et il faut regarder vers l'avenir et travailler fort pour gagner d'autres tournois. J'espère que ce sera la première de beaucoup de victoires.
Thomas : Donc, tu penses que cela se reproduira bientôt. Est-ce qu’il y a d’autres réalisations à accomplir pour l’équipe?
Puyol : Une équipe doit gagner, obtenir ses trois points chaque semaine. Dans la Copa del Rey, il faut traverser toutes les éliminatoires. J'espère gagner cette saison. On a déjà mis la main sur la super coupe espagnole. Si possible, je veux en gagner trois, mais je sais que c'est difficile.
Thomas : Est-ce que tu aimes jouer pour Barcelone?
Puyol : C'est la meilleure chose qui aurait pu m'arriver. Nulle part je serais mieux qu'ici.
Thomas : Dis-moi, pourquoi un visiteur devrait venir voir un match du FC Barcelona plutôt qu’un du Real Madrid?
Puyol (lance avec plaisir) : Eh bien, je pourrais dire beaucoup de choses. Le FC Barcelone est le meilleur club au monde, celui qui joue le meilleur football. Présentement, nous avons le meilleur joueur au monde, Ronaldinho, et uniquement pour cela ça vaut la peine de venir nous voir. De plus, le Camp Nou est un stade spectaculaire et dois-je dire que Barcelone est une ville merveilleuse où l'on mange très bien…
Thomas : Bien dit!
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