Avec son gabarit léger et une force de détermination remarquée, Primož est un naturel dans les épreuves de montagne. Il ne craint point les ascensions. À vrai dire, il y excelle. De plus, il est aussi un spécialiste du contre-la-montre avec plusieurs victoires à son actif. En course, on peut le voir se positionner sur son vélo d’une manière compacte et aérodynamique, puis il attaque le parcours. À ce jour, sa plus belle prestation dans cette discipline est sans aucun doute sa victoire à la neuvième étape du Giro d’Italia en 2016 où il a tout simplement surclassé ses rivaux. Bien entendu, il faut ajouter à cela son grand coup lors des championnats nationaux de Slovénie en 2016. Le gars originaire de Trbovlje est aussi un bon coureur du classement général avec déjà quelques victoires en poche dont le Tour de l’Algarve au Portugal, le Tour de Slovénie et celui d’Azerbaïdjan. Mais il faut se souvenir qu’avant sa carrière professionnelle de cycliste, le Slovène s’élançait sur les tremplins en saut à ski. Eh bien oui, il adorait la sensation de planer dans les airs. Il a réalisé son saut le plus long en Allemagne avec 183 mètres. Une distance qui pourrait en faire frémir plus d’un! Ses meilleurs résultats dans ce sport il les a obtenus chez les juniors avec trois premières places. Certes, il a délaissé ses skis pour prendre une autre voie. Il va sans dire que le cyclisme et le saut à ski diffèrent grandement en ce qui concerne les caractéristiques nécessaires à avoir pour bien performer, mais il semble que ceci n’a pas effrayé Primož dans son choix. Celui-ci adore s’entraîner. Avec sa bonne condition physique qu’il a forgée au fil du temps, il a su faire son chemin dans le monde du vélo. Il continue à parfaire son métier avec son équipe actuelle Team LottoNL-Jumbo. Il se lance maintenant sans retenu sur la route avide de belles performances.
L’entrevue téléphonique a été réalisée le 19 juin 2017 à 17h lorsque Primož était à Ljubljana, Slovénie.
Prélude – Du 14 au 18 juin 2017, Primož a pris part au Ster ZLM Toer au Pays-Bas en finissant 2e du classement général et ce derrière le Portugais José Gonçalves. Lors de cette compétition, Primož a remporté le prologue. Il se prépare maintenant pour son premier Tour de France qui débutera le 1er juillet 2017.
Saut à ski
Thomas Kieller : Pour la majorité d’entre nous, le saut à ski est une activité bien inusitée. Comment as-tu débuté dans ce sport?
Primož Roglič : À vrai dire, quand j’étais un enfant mon voisin était un entraîneur de saut à ski. Dans mon pays, c’est normal de pratiquer ce sport. Tu commences très jeune. Dans mon cas, j’avais environ sept ans. Nous avions des petites collines derrière la maison. Donc, c’est de cette manière que j’ai débuté.
Thomas : Ah bon! C’est un sport populaire en Slovénie?
Primož : Oui. Nous sommes un petit pays et les gens y aiment bien l’hiver. Nous avons fait l’histoire en saut à ski et nous continuons à la faire avec quelques skieurs. C’est notre sport national et ceci fait parti de nos traditions. Pendant plusieurs années, nous avions les plus grandes rampes de ski. Toutefois, ce n’est plus le cas maintenant.
Thomas : Tu as fait de longs sauts par le passé comme celui de 183 mètres que tu as réalisé à Oberstdorf, Allemagne en 2011. Est-ce que tu aimais bien la sensation que t’amenait le saut à ski?
Primož : Bien sûr, c’était plaisant de planer le plus loin que possible. J’appréciais vraiment cette partie.
Transition vers le cyclisme
Thomas : Donc, pourquoi as-tu quitté le saut à ski pour le cyclisme?
Primož : C’est difficile à dire exactement. Au saut à ski, tu t’entraînes différemment. En cyclisme, tu es essentiellement sur ton vélo et tu te concentres là-dessus. Toutefois, en saut à ski, tu dois faire beaucoup d’exercices. Évidemment, il y a les sauts mais aussi les exercices de force, de puissance et d’agilité. Tu fais des étirements, des exercices de flexibilité et du yoga. Nous faisions aussi des mouvements acrobatiques comme en gymnastique. Si on prend tout cela, c’est difficile. J’ai toujours ce bagage car j’ai consacré beaucoup de temps à mon fitness. Mais maintenant, je suis sur un vélo. Bien entendu, si je suis capable de rivaliser avec des gars qui font du cyclisme depuis 15 ans et que j’en fais depuis cinq ans, cela veut dire que j’ai quelque chose qui provient de mon passé.
Thomas : En cyclisme et en saut à ski, est-ce qu’il y a des similitudes concernant la condition physique?
Primož (dit sans hésiter) : Oh! C’est bien différent. Je ne pense qu’il n’y a pas de grande similitude car quand tu sautes c’est une question de fraction de seconde. Alors qu’en cyclisme, tu dois mouliner sur ton vélo pendant cinq à six heures et parfois même plus. Ceci est une grande différence.
Thomas : J’ai lu quelque part que ton entraîneur en saut à ski ne te permettait pas à toi et à tes coéquipiers de faire du cyclisme. Pourrais-tu me dire pourquoi?
Primož : Oui et la raison en est vraiment simple. Tu ne dois pas faire de longues sorties car tes muscles vont devenir lents. Tu ne veux pas cela en saut à ski. Sur le vélo, tu dois faire continuellement le même mouvement. Pour un sauteur, ce n’est pas du tout cela que tu recherches.
Thomas : De ton background de sauteur à ski, est-ce qu’il y a des éléments que tu as amenés dans ta nouvelle discipline qui est le cyclisme?
Primož : Ouf! Je ne sais pas. C’est une bonne question. Il se peut que j’ai pris un peu de tout ce que je fais. Peu de gens ont l’opportunité d’être très bon dans deux sports complètement différents. Je sais comment fonctionne le saut à ski et je le sais maintenant également en cyclisme. Donc, je veux me servir de mes expériences passées afin de faire les bons choix pour moi.
Thomas : Tu as débuté le cyclisme amateur en 2011. Quels ont été les premiers points que tu as dû travailler?
Primož : Je devais tout simplement faire du vélo. C’est en faisant des sorties que j’ai pu me pousser au point de vue de mes jambes. Je me souviens que lorsque j’ai débuté, j’avais de la difficulté à rouler à 30 km/h. Toutefois, je pouvais monter rapidement puisque j’étais très léger à cause du saut à ski. Mais comme je t’ai dit, les courses en cyclisme peuvent durer six heures et bien des choses peuvent arriver durant cette période de temps. Donc, au tout début, j’avais tout à apprendre. Puis lorsque tu commences à faire des courses, tu vois que c’est complètement différent et que tu peux en apprendre davantage.
Thomas : Est-ce que tu avais un bon cardio au tout début?
Primož : Oh oui! En tout cas, je le crois. J’étais très bon concernant cet aspect. Le problème consiste plutôt à livrer la marchandise. Tu dois faire en sorte d’être capable de performer en situation de course. C’est cela!
Entraînement d’un cycliste
Thomas : Si nous regardons tes résultats, nous voyons bien que tu es très bon au contre-la-montre individuel. Quels exercices fais-tu sur la route pour t’améliorer dans cette discipline?
Primož : J’essaie tout simplement de rouler trois fois par semaine sur un vélo spécifique pour le contre-la-montre. Je me concentre sur ma position et je veux être aérodynamique. Il faut être tout petit sur le vélo lors de ce genre d’épreuve. Tu sais, je ne fais pas beaucoup de kilométrage pour le contre-la-montre. Je dirais environ 150 km par semaine. C’est l’entraînement normal pour ce type d’épreuve.
Thomas : Et en gymnase, est-ce que tu fais des exercices de force pour les jambes?
Primož : Présentement, je suis surtout sur la route. Mais bien sûr, je fais des exercices en gymnase comme des circuits et des mouvements de stabilité. Je le fais lorsque j’ai le temps. J’en fais plus lors de la saison morte. J’aime bien faire le tour de toutes les machines. Je veux vraiment faire des exercices pour tout mon corps. Mon objectif est de gagner de la force. Durant la saison, tu perds du muscle. Tu es seulement assis sur le vélo et tout est dirigé vers les jambes. L’hiver, j’essaie de travailler le haut du corps ainsi que tout mon corps. Donc, je fais un bon entraînement. Mais maintenant durant la saison, je suis presque essentiellement sur la route.
Thomas : Tu dis que tu travailles aussi le haut du corps…
Primož : Oui c’est sûr, mais il ne faut pas en faire trop. À titre de cycliste, tu veux garder ton poids le plus bas possible. Tu ne veux pas avoir de muscles non nécessaires. Quoiqu’il en reste, il est toujours utile d’avoir de la force et de la puissance dans le haut du corps.
Thomas : J’aimerais savoir, est-ce que tu perds beaucoup de muscles lorsque tu fais un grand tour comme le Giro d’Italia, la Vuelta a España ou le Tour de France qui sera ton premier en juillet 2017.
Primož : Je ne suis pas entièrement certain, mais je pense que tu perds un peu de muscles car c’est vraiment fou. C’est beaucoup de stress sur ton corps. Il s’agit de courses de trois semaines. Ton corps doit le ressentir.
Thomas : On sait que les contre-la-montre individuels sont demandant sur le plan physique. Quel est l’approche ou l’état d’esprit que tu as lorsque tu prends part à une telle course.
Primož : À priori, je veux être concentré sur la course. Je veux connaître tout le déroulement de l’épreuve, c’est-à-dire les virages et comment cela va se dérouler. Quand la course commence, j’essaie d’être tout petit, de produire de la puissance et de passer à travers le parcours.
Thomas : Tu progresses vraiment bien comme un cycliste du classement général. Tu es devenu professionnel en 2013. Donc, tu apprends vite. Qu’est-ce que tu fais concernant les épreuves de montagne?
Primož : Oui je fais cela aussi. J’adore beaucoup les montées. Je dois encore faire des petites choses parce que je veux vraiment bien faire en montagne. Donc, je fais beaucoup d’ascensions. D’ailleurs, pour moi, ce n’est pas difficile de faire cela à la maison. J’ai beaucoup de possibilité aux alentours. Lorsque je veux le faire, je prends mon vélo et je vais rouler dans les collines avec un bon dénivelé ou un peu moins. De plus, avec mon équipe, nous nous sommes entraîner en altitude et nous avons fait des sorties de sept heures et plus. Donc, c’est un bon long entraînement.
Thomas : Qu’est-ce que tu veux développer concernant ta condition physique ou à propos de l’aspect technique du vélo?
Primož : Actuellement, je ne veux rien faire car j’attends que le Tour de France commence. Mais c’est certain, je veux améliorer mon positionnement dans le peloton. Le plus important pour moi est de rouler et d’apprendre.
En ce qui concerne la saison morte, je vais voir comment cela va dérouler d’abord. Je veux continuer sur mon chemin. Je vais peut-être perdre un ou deux kilogrammes dans le futur, mais rien d’extra. Je ne dois pas faire de gros changements. C’est plus les détails que je dois améliorer. Voilà, je vais y aller de cette façon.
Derniers mots
Thomas : Depuis 2016, tu es avec Team LottoNL-Jumbo. Est-ce que tu apprécies faire partie d’une équipe sportive où la stratégie de course est importante?
Primož : Oh oui bien sûr. Les gens ne voient pas tout de l’extérieur. Quand tu deviens un cycliste, tu voies comment les choses fonctionnent. Le cyclisme est un sport d’équipe. Nous devons travailler ensemble afin d’arriver à de bons résultats. Donc, pour cela, j’apprécie cela beaucoup.
Thomas : Et tu aimes bien l’atmosphère qu’il y a dans le groupe?
Primož : Oui. Je suis heureux avec mon équipe. C’est pour cela que je vais rouler avec eux la prochaine année. Ils m’aident beaucoup et on apprend tous ensemble. C’est vraiment une belle ambiance. J’ai vraiment beaucoup appris. Ils m’ont donné une belle opportunité.
Thomas : Est-ce que tu es excité de faire partie de ton premier Tour de France?
Primož : Oh oui! C’est un peu fou. J’en rêve presque. Mais voilà, j’y suis rendu. On commence la course le premier juillet.
Thomas : Merci Primož pour cette entrevue.
Primož : Ciao.
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