22 avril 2012
Marina Erakovic
(info sur Marina Erakovic)La force d’adaptation
Thomas Kieller
Photo – Courtoisie de Getty Images
Émigrée en Nouvelle-Zélande à l’âge de six ans avec ses parents et sa sœur ainée, Marina s’est adaptée sans heurt à son nouvel environnement en apprenant la langue locale et les mœurs du pays. Le contraste entre la Croatie où elle est née et son pays d’accueil a dû être grand, mais l’enfant qu’elle était a su trouver son chemin. Tout comme son arrivée dans ce pays anglo-saxon, elle a fait le bond sans retenu dans la Women's Tennis Association (WTA) où la compétition est féroce entre les joueuses. Un nouveau défi s’est présenté devant elle et encore une fois une nouvelle phase d’adaptation s’en est ensuivie. De nature combative, elle s’est d’abord illustrée dans la International Tennis Federation (ITF) en remportant douze titres en simple et une demi-douzaine en double. Dans la WTA, ses succès se résument actuellement à quatre victoires en double. Pourtant, la joueuse originaire de Split démontre un vaste éventail de qualités sur le court. Avec son service, elle fait déplacer son adversaire le long de la ligne de fond. Dotée d’une bonne mobilité et d’une bonne condition physique, elle bouge efficacement. D’ailleurs, en coupant ses coups, elle fait des approches au filet où elle excelle à la volée. Il en reste qu’elle préfère dominer le jeu de son coup droit où elle est manifestement plus à l’aise. Certes, il est possible de constater que peu de joueuses de la Nouvelle-Zélande ont percé sur le circuit de la WTA. Or, la Néo-Zélandaise, qui a grandi à Auckland, a réussi à se glisser dans le top 50 du classement mondial. Elle est aussi fière d’avoir représentée son pays à six reprises à la Fed Cup et une fois aux jeux olympiques, ceux de Pékin en Chine. L’avenir lui sourit surtout lorsqu’on se souvient qu’elle a remporté une grande victoire en 2011 contre Victoria Azarenka. En effet, le talent et le travail assidu de Marina sont évocateurs d’une belle carrière… C’est une joueuse en ascension.
L'entrevue a été réalisée le 12 septembre 2011 à 18h25 dans la salle de conférence de presse du tournoi Challenge Bell de la Sony Ericsson WTA Tour à Québec, Canada.
Prélude – Marina entre dans la salle d’une manière détendue. Juste trente minutes avant, elle a joué avec sa partenaire suédoise Sofia Arvidsson et elles ont perdu dans un match serré contre Jamie Hampton des États-Unis et Anna Tatishvili de la Géorgie par le pointage de 6-4, 6-7, 8-10.
Background de Marina
Thomas Kieller : Tu es née à Split, Croatie qui est une ville en bordure de la mer Méditerranée et juste sur la côte est de la mer Adriatique. Lorsque tu avais six ans, ta famille a décidé de déménager en Nouvelle-Zélande. Pourrais-tu me dire les raisons qui ont poussé tes parents, Ljiljana et Mladen, à immigrer en Nouvelle-Zélande?
Marina Erakovic : À cette époque, la situation n’était pas très stable dans l’ex-Yougoslavie et mes parents ont jugé qu’ils seraient mieux d’aller ailleurs pour nous les enfants. J’ai une sœur ainée. Ils ont regardé à l’étranger en raison des circonstances qui sévissaient en ex-Yougoslavie.
Thomas : Est-ce que tu sais pourquoi ils ont choisi la Nouvelle-Zélande?
Marina : À ce moment-là, la Nouvelle-Zélande cherchait et accueillait des émigrants. Nous avions aussi des amis qui y sont allés un an avant nous et ils nous ont dit que c’était bien. Donc, nous sommes allés là-bas.
Thomas : Est-ce que tu te souviens de la situation en Croatie... tu n’avais que six ans?
Marina : Pas beaucoup. Là où nous habitions, il n’y avait ni combat, ni conflit. Toutefois, ce n’était pas des temps heureux et définitivement mes parents avaient du mal à joindre les deux bouts.
Thomas : Dans quelle ville ta famille s’est établie?
Marina : À Auckland.
Thomas : Comment a été ton intégration dans ce nouveau pays?
Marina : Je dois dire vraiment bien. J’ai appris l’anglais assez rapidement. Mes parents m’ont envoyé à l’école, et après six mois, je commençais à parler la langue. C’était ma première école car je n’avais pas commencé en Croatie. C’était bien… J’y ai fait des amis et ma sœur y était aussi. C’était définitivement un bel environnement où grandir.
Thomas : Quelle langue parlais-tu quand tu es arrivé là-bas? Parlais-tu seulement le croate?
Marina (rit) : Oui, c’est exact. Je ne parlais que le croate quand je suis arrivé au pays. On m’a envoyé à l’école et voilà apprends l’anglais maintenant.
Thomas : Tu n’as pas eu de problème à apprendre la langue?
Marina : Je crois qu’un enfant peut vraiment apprendre une langue rapidement. Pour moi, ce n’était pas du tout un problème. Seulement six mois!
Thomas : C’est que j’appelle de la bonne adaptation. Comment as-tu commencé a joué au tennis?
Marina : Je me suis mis au tennis parce que mon père et ma sœur ainée ont commencé à pratiquer un peu ce sport en Croatie. Mon père était dans un club et je venais avec eux. En ce qui me concerne, j’ai commencé à jouer au tennis contre un mur.
Intégration dans la WTA
Thomas : Tu es devenue professionnelle en 2006 à l’âge de 16 ans. Encore une fois, tu t’es retrouvée dans un nouveau contexte. Comment a été ton intégration dans la WTA?
Marina : À vrai dire, j’ai probablement joué mon premier tournoi à l’âge de 16 ans, mais je n’ai pas commencé à jouer professionnellement que lorsque j’ai quitté l’école. D’ailleurs, j’ai fini l’école secondaire aux alentours de 18 ans. À ce moment-là, je savais que j’étais bonne au tennis car j’avais de bons résultats chez les juniors. J’ai donc pensé que jouer professionnellement était la prochaine étape pour moi. Je me suis dit que je devais essayer! Et si un jour, je voulais aller à l’université et bien je pouvais le faire aussi.
Thomas : Ce n’est pas tout le monde qui commence sa carrière à 18 ans comme tu l’as fait… Est-ce qu’il y a une structure pour accueillir les joueuses dans la WTA?
Marina : Oui, il y a quelque chose de similaire à cela. Toutefois, je n’ai pas commencé dans la WTA. Premièrement, j’ai commencé dans la ITF où les tournois sont plus petits. Puisque je vivais en Nouvelle-Zélande, j’ai joué en Australie et à plusieurs autres endroits en Asie. De cette façon, j’ai monté dans le classement et puis après j’ai commencé à jouer des tournois de la WTA. En effet, il y a un programme d’intégration pour les jeunes joueuses où le personnel te montre différents aspects du monde du tennis. C’est un bon programme.
Thomas : Pourrais-tu m’en dire plus concernant ce programme?
Marina : Oui, par exemple, quand j’étais plus jeune, on m’a montré la salle de physiothérapie et le personnel m’a montré à moi et aux autres joueuses comment faire un bandage et ce qu’il faut faire si on a une cloque. D’ailleurs, on m’a parlé des médias et on m’a renseigné sur la manière que je devais parler et la façon d’aborder les sujets de cette nature. D’autre part, si on a besoin de parler à quelqu’un il y a une personne dédiée à cela et elle se nomme Kathy Martin. Elle est vraiment bonne et elle nous aide sur à peu près tout… Si tu dois parler à quelqu’un ou si la situation devient plus difficile ou si tu penses étudier en même temps que tu joues au tennis, et bien dans tous ces cas, elle est toujours là.
Thomas : J’ai entendu dire que la WTA offrait un service de filature pour les nouvelles joueuses, c’est-à-dire qu’une joueuse plus expérimentée suit une plus jeune et l’aide au début de sa carrière. Est-ce que c’est vrai?
Marina : Oui, mais je n’ai jamais eu ce service. C’est comme un mentor ou si l’on veut une plus veille personne qui conseille une plus jeune. En effet, je n’ai pas eu ce service-là, mais je connais des joueuses qui l’ont eu.
Thomas : Je veux revenir sur un point… Je comprends que tu as commencé dans le circuit de la ITF et donc tu t’es préparée de cette manière à ta carrière professionnelle. Toutefois, qu’est-ce qui a été le plus difficile lorsque tu as commencé à jouer dans la WTA? Est-ce que ton intégration dans la WTA a été facile?
Marina : Honnêtement, je pense que la ITF est beaucoup plus difficile car on ne reçoit pas de traitements de physiothérapie. L’hébergement n’y est pas gratuit et on ne nous fournit pas la nourriture. Chaque joueuse doit payer pour tout. Les différents tournois de la WTA sont bien plus accueillants pour les joueuses. En ce qui concerne ceux de la ITF, ce n’est pas la même chose du tout… Je pense que les tournois de la ITF sont bien plus durs.
Thomas : Quand tu as débuté, est-ce que tu voyageais toute seule ou bien voyageais-tu avec quelqu’un de ta famille?
Marina : Quand j’étais plus jeune, je voyageais beaucoup avec mon père pour jouer les différents tournois de la ITF. Aux alentours de 19 ans, j’ai commencé à voyager avec mon entraîneur.
Thomas : Et maintenant, est-ce que tu voyages toujours avec ton entraîneur?
Marina : Oui.
Thomas : Dans le classement mondial, tu es la seule joueuse de la Nouvelle-Zélande à être dans le top 100. Sacha Jones est 213e, Katherine Westbury est 613e et Dianne Hollands est 953e. Est-ce que tu ressens de la pression de ton pays à être performante dans ce que tu fais?
Marina : Pas du tout. Je ne ressens rien de tel. Je suis très fière de représenter la Nouvelle-Zélande et je suis bien heureuse qu’il y est une joueuse dans le top 100. Tu sais que le tennis n’est pas le sport le plus populaire d’où je viens. Donc, j’essaie de faire de mon mieux pour montrer que la Nouvelle-Zélande peut jouer au tennis. Finalement, je ne ressens pas vraiment la pression de mon pays.
Thomas : Et à propos de tes compétiteurs, est-ce qu’il y a de la pression de leur part? Il semble que cela soit difficile d’établir des liens avec les autres joueuses?
Marina : En effet, ce n’est pas facile d’établir des liens car il y a toujours cette nature compétitive entre les joueuses. Il y a toujours le fait que je peux jouer un match contre cette personne demain, et bien entendu, nous voulons tous les deux gagner. Donc, c’est bien difficile de se faire des amies dans ce contexte très compétitif. Toutefois, le mieux que je peux faire c’est d’avoir une relation cordiale avec les autres filles et d’avoir du bon temps dans le travail que je fais. Il faut apprécier chaque moment et ne pas trop se prendre au sérieux.
Thomas : Et en ce qui te concerne, est-ce que tu te mets de la pression?
Marina : Non.
Thomas (rit) : C’est bien. Je ris car je pensais sincèrement que c’était plus difficile de vivre cet esprit compétitif dans la WTA aussi bien sur le court qu’à l’extérieur. Mais il semble que cela soit plus facile que je croyais.
Marina : Non, ce que je veux dire c’est que personnellement je ne me mets pas de pression sur moi-même, mais fais-moi confiance ce n’est pas facile du tout. Beaucoup de personne pense que le tennis c’est juste du charme, de l’élégance et du prestige dû au fait que nous sommes prises en photos et nous sommes à la télévision. Crois-moi, ce n’est pas tout à fait cela! Par exemple, aujourd’hui, j’étais sur le site toute la journée : je me suis entraînée, j’ai joué un match en double, je suis allée manger, je suis retournée à l’hôtel et je suis revenue une fois de plus ici. Un autre exemple : si j’encaisse trois ou quatre défaites consécutives, cela fait mal parce que je m’entraîne beaucoup pour cela et je pourrais me dire pourquoi les résultats ne se concrétisent pas. C’est vraiment un long processus et puisque qu’il s’agit d’un long processus, il vaut mieux tout simplement faire de son mieux et d’apprécier chaque moment. Autrement, tu risques de devenir fou. Ha ha ha!
Thomas : C’est vrai!
Passions et activités relaxantes
Thomas : Lorsque tu ne joues pas au tennis, je sais que tu apprécies jouer de la guitare électrique. Qu’est-ce que tu apprécies de cela?
Marina (répond d’une manière exaltée) : J’aime jouer de la guitare; c’est en effet quelque chose que je fais. Cela m’aide à relaxer et cela me permet de me concentrer sur autre chose que le tennis. J’ai appris par moi-même à jouer de cet instrument. J’avais pris l’habitude de voyager avec une guitare, mais ce n’est plus le cas. J’ai commencé un peu les études en ligne. Donc, je n’ai pas le temps pour faire les deux, mais c’est manifestement quelque chose que j’apprécie… c’est-à-dire jouer de la guitare.
Thomas : Quel genre de musique joues-tu?
Marina : Du rock… J’ai commencé avec une guitare acoustique et par la suite j’ai acheté une guitare électrique. J’aime bien les deux. Par contre, lorsque je suis à la maison, je monte le volume des hauts parleurs et je joue du bon rock.
Thomas : Donc maintenant, tu te concentres sur quelque chose de bien différent…
Marina : Cette année, je veux vraiment essayer de passer des examens à l’université et de voir comment cela ira.
Thomas : À titre de joueuse de tennis, tu as beaucoup de temps d’attente. Tu dois lire beaucoup… Quels types de livre lis-tu?
Marina : Oui, je lis beaucoup et j’ai une liseuse électronique. Donc, je n’ai plus besoin de trimbaler tous mes livres et, en effet, j’aime vraiment lire. Actuellement, je lis un roman dont le titre est « The Hunger Games » de Suzanne Collins. C’est très captivant. Je dois admettre que ce n’est de la grande littérature, mais c’est tellement bon.
Thomas : Et quel est le sujet du livre?
Marina : C’est un livre de science-fiction où les protagonistes se battent pour survivre.
Thomas : Est-ce que tu as d’autres passe-temps ou as-tu d’autres activités qui te permettent de te distancer de ton travail et qui te permettent tout simplement d’apprécier la vie?
Marina : Quand je suis à la maison, j’aime prendre mon temps avec mes amis… Je vais beaucoup au cinéma, j’écoute de la musique et bien entendu je joue de la guitare. Ah oui j’oubliais, je joue un peu au soccer, car j’aime bien ce sport.
Thomas : Est-ce que tu as besoin d’équilibrer ta carrière professionnelle et tes temps libres?
Marina : Je crois que oui. C’est difficile pour moi, car je suis bien loin de mon domicile. Donc, je fais de mon mieux quand je suis sur la route, mais oui en effet j’essaie de trouver un équilibre. Je le fais en faisant un pas à l’extérieur du monde du tennis et je prends le temps d’apprécier les autres parties de la vie.
Mot de la fin
Thomas : Donc, tu as un peu de tout dans ta vie. Bien entendu, avec le tennis et aussi avec l’université, tu as un peu de stress. D’un autre côté, tu lis, tu écoutes de la musique et tu fais d’autres activités qui te détendent. Après un bon livre et des bonnes séances de guitare, tu reviens fin prête pour gagner?
Marina : Définitivement, c’est ce que je fais. J’apprécie cela et je m’entraîne pour cela. Donc, quand le jour du match arrive, je fais tout pour être à mon meilleur niveau et pour bien performer.
Thomas : Merci Marina. Tu as l’attitude!
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