23 mars 2017
Finn Hågen Krogh
(info sur Finn Hågen Krogh)La culture du sport en Norvège
Thomas Kieller
Photo – Copyright Norges Skiforbund
Spécialiste du patin, Finn se lance dans des courses hivernales sans retenu. Il repousse sans cesse ses limites. En effet, le Norvégien veut toujours tout donner en compétition. Il a déjà remporté plusieurs médailles d’or en Coupe du monde tant en solo qu’en équipe. D’ailleurs, il a démontré à plusieurs reprises sa puissance lors de compétitions en sprint où il a brillé. De plus, avec ses compatriotes norvégiens motivés à bloc, ils ont triomphé au relais 4 x 10 km aux Championnats du monde de Lahti, Finlande en 2017. Étant le dernier à avoir pris le relais pour son pays, il a pu ressentir une grande satisfaction du devoir accompli. Quand l’équipe norvégienne de ski de fond remporte une victoire, c’est tout le pays qui est soulevé.
L’entrevue a été réalisée le 16 mars 2017 à 16h15 à l’hôtel Hilton durant la Coupe du monde de ski de fond de la Fédération internationale de ski (FIS) à Québec, Canada.
Prélude – Après une séance d’entraînement, Finn arrive dans le hall d’entrée de l’hôtel d’une manière détendu. Sans hésiter, nous débutons notre discussion sur la culture sportive dans son pays.
Le ski de fond dans la culture norvégienne
Thomas Kieller : Tu es né à Alta dans le nord de la Norvège. C’est vraiment dans le nord! Est-ce que tu peux m’en dire plus sur cet endroit et y vis-tu toujours?
Finn Hågen Krogh : Oui, j’y vis toujours. Il y a environ 20 000 personnes dans la région urbaine de cette municipalité. En Norvège, c’est une ville de dimension décente. Là-bas, il y a six mois d’hiver. Alta est bien connu pour sa nature et pour la pêche au saumon. Le milieu est parfait pour mon entraînement en ski de fond. Je peux faire beaucoup de courses en montagne. Nous avons aussi des pistes pour faire du rollerski. Donc, c’est très bien pour l’entraînement.
Thomas : Tu as un héritage norvégien et lapon. Pourrais-tu me dire quels sont les sports traditionnels et les sports les plus populaires dans ton pays?
Finn : Tu as mentionné la culture lapone. Je dois dire que celle-ci ne fait pas beaucoup partie de ma vie, mais j’ai des proches qui sont Lapons. Nous avons les courses à ski avec des rennes. Ok, ce n’est pas si populaire que cela en Norvège (Finn rit en disant ses propos). J’en ai jamais fait! Toutefois, c’est bien possible d’en faire. Il en reste que le sport national est le ski de fond. Je ne connais pas exactement la liste des sports pratiqués mais le soccer est très populaire et le handball aussi. Nous faisons bien en handball, surtout l’équipe féminine. Un peu partout en Norvège, il y a des clubs de sport où tu as l’opportunité de faire du ski de fond, du soccer, du handball et bien entendu du biathlon qui est aussi populaire dans mon pays.
Thomas : Je comprends que le ski de fond est très populaire. Donc, le niveau de compétition doit aussi être élevé?
Finn : Oui, il y a beaucoup de jeunes qui en font. Il y a définitivement beaucoup de talents sportifs qui choisissent le ski de fond parce que c’est si populaire que cela. Donc, oui il y a beaucoup de jeunes qui arrivent à chaque année. Je pense que c’est pour cela que la Norvège est si bonne dans ce sport. Ces nouveaux venus poussent continuellement les meilleurs athlètes. Si je suis paresseux une année, c’est certain qu’il y aura une personne qui va arriver et va me battre. Je dois toujours trouver une façon de m’améliorer afin de rester au sein de l’équipe nationale et dans le circuit de la Coupe du monde.
Thomas : Comment cela fonctionne en Norvège concernant le ski de fond pour les jeunes?
Finn : Lorsque tu es un enfant, tu commences dans les clubs locaux. Il y a beaucoup de volontaires un peu partout autour des communautés. Les entraîneurs et les parents participent dans le développement des enfants. Lorsque tu deviens plus vieux, tu peux te qualifier pour l’équipe junior. Là, tu peux commencer à monter les marches afin d’atteindre l’équipe des moins de 23 ans et après c’est l’équipe sénior. Nous avons une bonne façon de prendre soin de nos talents. Par exemple, beaucoup d’athlètes qui sont présentement dans l’équipe nationale ont déjà fait parti de l’équipe junior et de l’équipe des moins de 23 ans. En résumé, il faut toujours faire une étape à la fois.
Thomas : C’est donc très développé dans ton pays?
Finn : Oui. Les équipes dont je viens de te parler sont organisées par la fédération de ski. Nous avons aussi des équipes régionales (le nord de la Norvège, le milieu, l’ouest et l’est). Il y a beaucoup d’opportunités pour les skieurs de fond de faire partie d’une équipe. Là, ils peuvent être sponsorisés et faire des camps d’entraînement.
Thomas : D’un autre côté, je pense que tu as pratiqué le soccer quand tu étais jeune...
Finn : Oui c’est vrai. Je pense qu’il est important qu’un enfant essaie différentes choses. Quoiqu’il en soit, c’est bénéfique. Je tire des avantages des autres sports que j’ai pratiqués plus jeunes et j’en ai fait plusieurs. À cause de cela, c’est plus facile pour moi d’apprendre de nouvelles techniques et de nouvelles choses. Je crois que si tu ne fais qu’une seule chose, tu te retrouveras en quelque sorte dans ta propre boîte. Ainsi, ce sera plus difficile de développer d’autres habilités. Donc, je pense qu’il est important que les enfants essaient plusieurs sports. Éventuellement quand ils seront plus vieux, ils pourront dire ce qu’ils préfèrent vraiment.
Thomas : Est-ce qu’il y a des éléments similaires entre le soccer et le ski de fond?
Finn: Pas vraiment! Permets-moi de me raviser… Je dirais plutôt que tous les sports ont besoin d’une bonne base d’entraînement. Au soccer, au ski de fond ou dans n’importe quel autre sport, il faut être patient. Tu dois être consistant dans ton entraînement pendant des années avant de voir des résultats. C’est similaire dans tous les sports.
De plus, on court beaucoup au soccer. Je pense que c’est une excellente manière de développer ton cœur et tes poumons. Donc, c’est bon. D’ailleurs, pour les sprints en ski de fond, c’est bien d’avoir cette rapidité musculaire provenant du soccer. Cela m’aide maintenant pour les sprints.
Thomas : Tu as fait ces deux sports en relation avec les saisons...
Finn : Oui, quand j’étais jeune je faisais du ski en hiver et l’été je jouais au soccer. D’une certaine façon, j’attendais impatiemment chaque saison puisque j’avais quelque chose de prévu. J’étais en quelque sorte un athlète polyvalent. Quand je suis devenu plus vieux, j’ai dû choisir. Mes résultats en ski étaient meilleurs, donc c’était naturel que je choisisse cette voie.
Entraînement d’un skieur de fond
Thomas : Tu es présentement au 8e rang du classement mondial général de la FIS. Tu es bon dans plusieurs disciplines. Toutefois, quelle est ta discipline préférée dans ton sport et pourquoi?
Finn : C’est certain que je préfère le patin. Par contre, je pense que mes meilleures performances sont dans le sprint style libre. La discipline (et la distance) que j’aimerais être le meilleur est le skiathlon. La première partie de la course tu fais 15 km classique puis tu changes tes skis et tu fais 15 km avec la technique du pas du patineur jusqu’au fil d’arrivée. Dans cette discipline, tu dois être bon dans tout. Tu dois contrôler les deux techniques, le classique et le patin. Pour moi, il s’agit de la discipline la plus complète. Mon but dans le futur est de remporter un skiathlon.
Thomas : Est-ce que tu dois te spécialiser pour avoir du succès dans le ski de fond d’élite?
Finn : Je pense qu’il est possible d’être un athlète polyvalent en ski de fond. Dans les sports d’endurance, tu dois faire beaucoup d’entraînement (comme un programme à faible intensité). De cette façon, il est possible de bien apprendre les deux techniques (le classique et le patin). Je pense vraiment qu’il est possible de bien s’approprier les deux techniques et de bien performer.
Thomas : Afin d’améliorer ton système cardio-respiratoire, tu fais quoi comme entraînement?
Finn : L’été, je fais beaucoup de rollerski et de la course. Je fais des entraînements à faible et haute intensité. Nous faisons les deux. Quand nous faisons des intervalles, nous pouvons courir dans les collines dont certaines ont de bonnes dénivellations. Nous pouvons faire cela aussi en rollerskis. Nous faisons beaucoup de variations dans les intervalles. Par exemple, nous pouvons faire 5 intervalles de 5 minutes ou bien 3 intervalles de 15 minutes. Il y a des différences notables dans la façon que nous faisons les exercices. Au bout du compte, le plus important est de pousser à fond afin d’avoir un rythme cardiaque élevé. Nous faisons cette préparation afin que le cœur et les poumons soient prêts pour la saison.
De plus, la quantité d’entraînement est plus grande l’été et le printemps. Quand l’hiver arrive, il faut être bien reposé pour les compétitions. Si on s’entraîne jusqu’à 80 heures par mois, on ressentira sûrement de la fatigue. Donc, durant la saison, on fait un peu moins d’entraînement afin d’être bien prêt pour les courses.
Thomas : Et pour les autres aspects de ta condition physique, est-ce que tu t’entraînes dans un gymnase?
Finn : Depuis les dix dernières années, la force est devenue plus présente dans le ski de fond parce que la vitesse est plus élevée en compétition. Nous faisons maintenant des sprints. Tu as besoin de plus de puissance maintenant que par le passé. Je vais dans les salles d’entraînement de deux à trois par semaine. J’entraîne mon dos et mon haut du corps en force. C’est nécessaire de faire cela car on utilise tous les muscles du corps lorsqu’on fait du ski de fond.
Thomas : Et tu fais quoi pour les jambes?
Finn (dit sur un ton joyeux) : Les jambes ont assez d’entraînement avec la course. Crois-moi nous utilisons toujours nos jambes. Donc, parfois ils ont besoin de repos. Au gymnase, les jambes peuvent se reposer.
Thomas : Avec ton entraîneur Arild Monsen, qu’est-ce que tu veux améliorer concernant ta condition physique et l’aspect technique du ski de fond?
Finn : Les dernières années, je voulais améliorer mon cardio. J’ai bien fait dans les sprints, c’est pour cela que je crois que j’ai plus à gagner à m’entraîner pour les courses de longue distance. Donc, je veux faire de plus longs intervalles pour améliorer mon endurance. Maintenant, je suis meilleur dans la technique du patin. Donc, je veux améliorer ma technique classique.
Derniers mots
Thomas : Qu’est-ce que tu apprécies tant dans ton sport et dans le ski de fond compétitif?
Finn : C’est un sport individuel. Dans chaque course, je veux donner le meilleur de moi-même. De cette façon, lorsque tu franchis la ligne d’arrivée, tu n’as pas le sentiment que tu aurais pu donner davantage. À vrai dire, quand tu franchis la ligne d’arrivée en ski de fond, tu es vraiment fatigué au point de vouloir t’écrouler au sol. Tu sens vraiment que tu t’es donné. D’ailleurs, chacun peut se pousser bien plus qu’il ne le pense. Donc, c’est tout simplement la sensation de m’avoir donné entièrement.
Thomas : Merci beaucoup.
Finn : Merci.
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