Intense et naturellement combatif, Dudi donne tout ce qu’il a lors de chaque point. Véritable coureur de fond, il retourne avec adresse les frappes de son adversaire. Son acharnement a récupéré des balles perdues l’a conduit à effectuer des coups de raquette spectaculaires. Tout le mouvement qu’il génère lors des échanges lui octroie le support de la foule. Ses partisans israéliens sont inconditionnellement derrière lui et crée par moment une ambiance qu’on ne peut pas oublier. Avant d’atteindre de hauts standards, il a rencontré sa part de difficultés surtout en raison d’une blessure au bras qu’il l’a plongé bien loin au classement de l’ATP. Déterminé, il n’a pas abandonné son sport malgré quelques hésitations. Ses entraînements ardus et ses voyages en solitaire l’ont remis sur le bon chemin. De fil en aiguille, il a remontée la pente. Souvenons-nous du marathon de cinq heures lors de la Coupe Davis où il a affronté dans un match survolté Fernando Gonzalez qui s’en souvient sûrement encore. Dans ce match brillant, il a triomphé permettant à son pays d’écarter le Chili. Un signe que Dudi offrira encore des matchs captivants et riche en émotion.
L'entrevue a été réalisée le 9 août 2009 à 16h35 dans la salle de conférence de presse du tournoi de la Coupe Rogers de l’ATP World Tour à Montréal, Canada.
Prélude – Dudi arrive dans la salle de conférence de presse qui est pour l’occasion complètement déserte. Il s’assoit sur l’une des nombreuses chaises. Il est détendu après avoir terminé sa session d’entraînement de l’après-midi.
Développement d’un joueur de tennis en Israël
Thomas Kieller : Depuis que tu es devenu professionnel en 2002, tu as beaucoup voyagé et bien entendu tu as vu plusieurs pays. D’ailleurs, tu as grandi à même le conflit israélo-palestinien. Est-ce que cette situation a eu un impact sur toi comme citoyen et sur ton développement à titre de jeune joueur de tennis?
Dudi Sela : Oui, cela a eu de l’impact. Je vivais à Kiryat Shmonna dans le nord de l’Israël. Là-bas, il y avait des problèmes à cette époque. Parfois, je devais me mettre à l’abri entre les pratiques. J’entendais le bruit des bombes. Ce n’était pas la meilleure ambiance pour grandir, mais je crois que je m’en suis bien sorti. Mon frère, Ofer, jouait au tennis avant moi et il m’a donc aidé en me donnant des conseils comme en m’indiquant le meilleur chemin à prendre.
Thomas : Est-ce qu’il y avait moins de trouble à Kiryat Shmonna qu’à Tel Aviv?
Dudi : Oh non, il y avait plus de trouble là-bas comparativement au centre de Tel Aviv, mais on s’y habitue. De temps en temps, j’entendais les bombes et j’allais dans les refuges. Cela ne semble pas la meilleure situation mais quand tu es là, il faut comprendre que tu t’y habitues, si je peux dire. Tu te mets à l’abri quand c’est nécessaire et tu essaies de pratiquer quand il n’y a pas de bombes.
Thomas (surpris par la réponse de Dudi) : Vraiment! Une personne peu s’adapter à une telle situation.
Dudi : Eh bien oui!
Thomas : Donc, tu as grandi dans la petite ville de Kiryat Shmonna, juste à la frontière entre l’Israël et le Liban. Est-ce que c’est là-bas que tu as commencé le tennis?
Dudi : Oui, j’étais là avec ma famille et j’ai pratiqué jusqu’à l’âge de douze ans. J’étais l’un des meilleurs joueurs de tennis d’Israël pour mon âge. J’ai donc déménagé à Tel Aviv où il y avait beaucoup d’endroits pour pratiquer, j’avais des meilleurs entraîneurs et une bonne ambiance. Toute la famille a déménagé là-bas. Mon frère, qui était aussi un joueur de tennis et classé approximativement 200e au monde, a aussi déménagé à Tel Aviv. C’était mieux pour tout le monde.
Thomas : En Israël, est-ce qu’il y a beaucoup d’installations pour le tennis comme des établissements pour s’entraîner ou différents types de court (pelouse, terre battue et surface dure) afin que tu puisses pratiquer sur différentes surfaces?
Dudi : Je pense que nous avons de très bonnes conditions. La température est très bonne et nous avons de bonnes installations (gymnases et tout ce qui tourne autour de cela). Nous avons de très bons terrains et d’ailleurs beaucoup, mais nous n’avons que des courts à surface dure. Nous n’avons pas d’autres surfaces. Toutefois, je pense que nous nous débrouillons. Nous n’avons peut-être pas le meilleur niveau d’entraîneurs si l’on compare à l’Europe et aux États-Unis.
Thomas : Est-ce qu’il y a un bon système de développement des jeunes joueurs en Israël avec une bonne organisation de tennis comme une fédération et des écoles pour apprendre le tennis?
Dudi : Oui, j’ai eu un bien bon programme jusqu’à quatorze ans. À cet âge, je n’étais plus dans une position favorable pour apprendre à mon niveau parce que j’étais un peu meilleur que les autres joueurs. Donc, j’ai dû déménager. Avec ma famille, nous sommes partis en Autriche où j’ai pratiqué le tennis pendant deux ans jusqu’à seize ans et demi avec Günter Breznik qui était l’entraîneur d’Amos Mansdorf, un autre joueur israélien. C’est deux années m’ont beaucoup aidé.
Thomas : La situation en Israël est-elle différente si nous la comparons à celle d’il y a 15 ans?
Dudi : Pour moi, il n’y a pas de différence. Des deux côtés, cela ne va pas pour le mieux. Les Israéliens ont leurs problèmes et les gens de la Palestine ont les leurs. Avec un peu d’espoir, la paix viendra et cela ira pour le mieux.
Thomas : Et concernant le tennis, est-ce que c’est mieux pour un joueur contemporain afin de se développer?
Dudi : Je pense que c’est pareil… À vrai dire, il y a 15 ans, il y avait 20 joueurs israéliens dans le top 300. Maintenant, il y en a trois dans le top 300 ou aux alentours. Donc, je dois dire que c’était mieux avant. La raison principale de cette situation est qu’il y a plus de personnes qui jouent au soccer et au basket-ball en Israël plutôt qu’au tennis.
Thomas : Oui, dans le top 1 000 joueur du classement mondial de l’ATP, il n’y a que quatre joueurs d’Israël : toi-même classé 34e, Harel Lavy classé 149e, Noam Okun classé 340e et Amir Weintraub classé 750e. Bien entendu, tu es maintenant en compétition avec tous les joueurs du monde. Cependant, quand tu étais plus jeune, comme tu as dit, il manquait de compétition. Le fait d’avoir plus de meilleurs joueurs provenant de ton pays, est-ce que cela peut-être une source de motivation?
Dudi : Je pense que oui. S’il y avait plus de joueurs, ce serait bien mieux. En Israël, approximativement il y a 15 ans, comme j’ai dit il y avait 20 joueurs comme Amos Mansdorf, Gilad Bloom, Shahar Perkiss et Jonathan Erlich. Si tu vois ces joueurs avoir du succès, tu veux faire la même chose. D’une certaine façon, nous nous poussons l’un et l’autre. C’est donc pourquoi je pense que les Espagnols font très bien comme c’est le cas pour les Français et les autres pays qui ont des bons programmes, des bons entraîneurs et que chaque joueur pousse l’autre à ses limites. En Israël, nous n’avons pas tout cela. C’est bien, mais ce n’est pas ce qui a de mieux et j’espère que cela va changer. Bientôt, Harel Lavy et Noam Okun vont prendre leur retraite. C’est gars-là savent ce qui doit être fait pour devenir un bon joueur. Ils peuvent aider la prochaine génération à être meilleure, s’ils le veulent.
La famille de Dudi
Thomas : Avant de parler de ton frère Ofer, j’aimerais discuter un peu de tes parents, Michael et Anca. Premièrement, ils ont immigré en Israël de la Roumanie. Pourrais-tu me dire pourquoi ils ont quitté ce pays et quand sont-ils arrivés en Israël?
Dudi : À cette époque, la situation était difficile pour le people juif en Roumanie. Donc, ils ont quitté ce pays et ils sont arrivés en Israël en 1970 où il avait une grande famille déjà d’établit. Mon cousin avait une entreprise. Donc, mon père a commencé a travaillé avec lui et puis après il a gagné sa vie comme chauffeur d’autobus. En résumé, c’est cela.
Thomas : Concernant le tennis, est-ce que tes parents ont insisté… Bon, insister n’est peut-être pas le bon mot. Je devrais plutôt dire, est-ce qu’ils t’ont aidé à devenir un joueur de tennis?
Dudi : Tu sais quand tu as douze ans et moins, il y a des journées où tu ne veux pas pratiquer. Donc, à cet âge, ils ne s’en sont pas préoccupés. Toutefois, quand j’avais douze ans et que je jouais bien, mon père et mon frère m’ont poussé un peu plus pour aller m’entraîner. Ils m’ont dit que si je voulais jouer au tennis à long terme, je devais pratiquer. D’un autre côté, si je ne voulais pas être un joueur de tennis, ils m’ont tout simplement dit n’y va pas. C’était leur façon de me dire quoi faire. Je pense que c’est la bonne manière de ne pas trop pousser. Ils l’ont fait juste correctement!
Thomas : Ton frère Ofer était aussi un bon joueur de tennis, classé dans le monde dans le top 200. Maintenant, il a 37 ans avec beaucoup d’expériences derrière lui et toi, tu as 24 ans. Est-ce que ton frère aîné a eu un impact sur toi concernant ta vie et sur le tennis?
Dudi : Oui, car quand j’avais 14 ans, je ne savais pas ce qu’était un bon programme. Donc, il m’a dirigé vers l’Autriche et il a décidé quels tournois juniors je devais jouer ou quel entraîneur je devais choisir. Et même encore, il m’aide. Demain, il vient me rejoindre ici à Montréal.
Thomas : Maintenant, il est un entraîneur de tennis. Est-ce que qu’il te suit beaucoup dans ta progression et est-ce qu’il te donne des conseils?
Dudi : Oui, il m’aide quand je dois prendre d’importantes décisions ou il me donne des conseils concernant les tournois que je devrais jouer. De plus, il m’aide à propos de voyages ou les choses connexes. Il est maintenant mon agent. En plus de cela, il entraîne les jeunes en Israël.
Développement de Dudi au niveau du tennis
Thomas : Tu n’as pas eu une progression nette dans le classement mondial. En 2004, tu étais classé 260e; en 2005 : 171e; en 2006 tu es tombé en 240e place; en 2007 tu étais 66e et en 2008, tu as régressé à nouveau à la 112e place. J’ai lu quelque part que tu as même pensé à quitter le tennis, est-ce que c’est vrai?
Dudi : Si je retourne dans le temps, je dois dire que j’étais l’un des meilleurs juniors et quand j’ai commence à jouer professionnel, j’ai atteint rapidement la marque de la 200e place, mais j’ai resté là deux à trois ans. Puis, j’ai atteint le 150e rang et je faisais bien jusqu’au moment où je me suis blessé au milieu d’un entraînement physique. Quand je suis revenu après trois mois, c’était très difficile. J’ai commencé à perdre contre des joueurs classés en 400e et 500e place. À ce sujet, j’ai un autre frère qui vit à New York et j’ai demeuré là-bas avec lui. Quand j’ai descendu au 350e rang, il m’a dit d’arrêter le tennis. Ok, il n’aime pas vraiment le tennis. Hé hé hé! Il m’a offert de travailler avec lui dans le domaine de l’immobilier à New York. J’y ai pensé, mais avec le temps, j’ai commencé à mieux jouer et je poussais plus durant les pratiques. Maintenant, je suis bien content que je n’ai pas arrêté.
Thomas : Donc, c’est une blessure qui t’a presque arrêté?
Dudi : Oui, c’était une blessure à mon coude. J’ai tombé et je me suis cassé le coude droit, ce qui a fait en sorte que je ne pouvais plus jouer pour trois mois. Quand je suis revenu, j’avais encore de l’inflammation. C’était vraiment douloureux pendant au moins six mois. J’ai descendu de la 140e à la 370e place. Crois-moi, ce n’était pas la meilleure situation.
Thomas : Quand tu étais blessé, est-ce que ton frère, ta famille et ton entraîneur, à ce moment, Yoram Menahem, t’ont aidé afin de prendre une décision éclairée? Tu étais quand même assez jeune. Si je suis correct, je pense que tu avais 22 ans.
Dudi : Oui bien entendu, mon frère voulait que je continue à jouer mais je n’appréciais pas vraiment cela. À un certain point, je n’avais plus de sponsor. Il n’y avait personne pour me supporter, donc c’était difficile. Quand tu es en 350e place, tu ne gagnes pas beaucoup d’argent. À cause de cela, tu dois voyager seul. Cependant, quand je voyageais aux États-Unis, j’ai repris lentement ma confiance et je jouais donc mieux. Cela m’aide de penser à cela maintenant.
Thomas : Tu parlais que tu voyageais seul. J’aimerais savoir, est-ce que c’est l’une des contraintes difficiles du tennis?
Dudi : Oui, c’était très difficile de voyager sans entraîneur ou sans préparateur physique. C’est complètement différent. Tu joues aussi mieux et tu te sens mieux quand tu as quelqu’un pour te supporter même quand tu ne joues pas. Quand tu perds, tu peux mieux pratiquer. Donc, c’est un réel avantage d’avoir un sponsor ou quelqu’un avec qui jouer.
Thomas : Et maintenant, tu es classé 34e au classement mondial et tu continues à progresser. Est-ce que tu es fier de cela?
Dudi : Oui! J’ai changé beaucoup de chose concernant mon style de jeu. Je suis physiquement en meilleure condition et je joue mieux. Toutefois, je dois encore beaucoup m’améliorer comme mon service, mon revers et mon coup droit. Mon objectif en 2009 est de rester dans le top 50. Donc, cette année fut bonne pour moi. En novembre et décembre, je serais en congé et je vais pratiquer plus afin d’améliorer mon jeu pour 2010.
Thomas : Un jour, il se peut que tu surpasses Amos Mansdorf au classement du meilleur joueur de l’histoire du tennis israélien. En 1987, il était classé 18e au monde.
Dudi : Oui et je suis content d’être dans cette situation. Je joue bien avec mon style de jeu. Bien entendu, j’espère le dépassé, mais ce n’est pas mon but premier. Mon objectif principal est d’améliorer mon tennis et voir ce que je peux devenir.
Thomas : Donc, tu ne parles plus de retraite?
Dudi (rit) : Non, j’ai une bonne vie.
Thomas : Bien dit!
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