18 avril 2007
Baran Asena
Un coup d’œil sur la piste d’Istanbul
Thomas Kieller
La formule 1 fascine le public par son caractère sophistiqué et son côté jet-set. Des bolides à la mécanique de pointe et des athlètes entraînés au stress de la conduite automobile extrême émerveillent de part et d’autres. Les fans de ces courses effrénées peuvent jubiler lors de 17 Grand Prix qui composent actuellement le championnat des pilotes. Le dernier à s’être ajouté au monde de la F1 est celui de la Turquie. Cette nouvelle destination se retrouve sur l’agenda des pilotes depuis 2005. Par le fait même, une nouvelle piste se dresse devant eux. D’ailleurs lors de la conception de cette piste, l’architecte allemand Hermann Tilke s’est soucié des préoccupations modernes afin de rendre la course la plus palpitante possible. Le résultat est des virages abrupts permettant des dépassements et des lignes droites où les bolides peuvent atteindre des vitesses vertigineuses. Nul doute qu’à Istanbul les pilotes sont mis à l’épreuve! À ce jeu, les spectateurs sont ravis.
L’entrevue a été réalisée le 12 août 2006 à 14h dans le bureau de Baran Asena se trouvant sur l’enceinte du circuit d’Istanbul Park dans la région d’Istanbul, Turquie.
Prélude – Par une journée ensoleillée et particulièrement chaude, M. Asena, directeur général d’Istanbul Park, m’accueille dans son bureau qui a une vue saisissante du circuit.
La piste de F1 vu par le directeur général du circuit d’Istanbul
Thomas Kieller : Quelles sont les plus grandes difficultés de la piste d’Istanbul pour un pilote de F1?
Baran Asena : Laisse-moi te dire ce que les équipes et les pilotes m’ont déjà raconté. Si nous regardons le plan de la piste, nous pouvons voir de grandes lignes droites. La vitesse maximale atteinte par les pilotes peut aller jusqu’à 324 km/h. C’est donc quand même quelque chose.
Juste au début de la piste, il y a une belle courbe abrupte! Par contre, c’est l’une des plus sécuritaires de tous les circuits du championnat de F1 à cause de sa zone d’échappement. Il n’y pas eu beaucoup d’accidents à cet endroit en 2005 dû à cet espace.
De plus, certains autres virages sont intéressants parce qu’ils ne sont pas au même niveau. Il y a une différence d’élévation sur la piste de 43 mètres du plus haut point au plus bas. Il y a des courbes descendantes et ascendantes. Ces courbes sont plein de surprises. Bien sûr, ce n’est pas une grande surprise pour un pilote de F1, car ils font beaucoup d’essai. Ils connaissent le circuit!
Le virage 8 est très intéressant. Sur le plan, il a l’air d’une seule et unique courbe, mais ce n’est pas le cas. À vrai dire, il y a quatre courbes qui le composent. Ce que j’ai entendu des directeurs des écuries est qu’aucun pilote jusqu’à maintenant n’a trouvé la ligne idéale pour prendre cette courbe. Kimi Räikkönen a eu du succès dans ce virage en 2005. Toutefois, Michael Schumacher n’a pas apprécié cette section parce qu’il n’a pas trouvé la façon de la prendre. Ha ha ha! Il n’a pas aimé la piste peut-être parce qu’il n’a pas eu beaucoup de chance en 2005. Donc, c’est une partie intéressante du circuit.
La piste est aussi relativement longue et très compacte. Elle mesure 5,333 km. C’est l’une des plus longues du championnat de la formule 1. Cinquante-huit tours sont suffisants pour compléter la course.
Thomas : Quelle est la section de la piste que vous êtes le plus fier?
Baran : À vrai dire, avant la première course en 2005, nous ne savions pas qu’elle était la partie la plus intéressante de la piste. Tout le monde nous dit maintenant que le virage 8 est très intéressant parce que c’est une section qui donne du challenge aux pilotes. Si nous analysons cette section, je pense qu’il est possible d’atteindre une vitesse élevée. Plusieurs autres courbes du circuit sont abruptes. Donc, peut-être que le virage 8 force les pilotes d’une manière différente.
Thomas : Pour les spectateurs, quelles sont les attractions de cette piste?
Baran : Il est toujours intéressant d’être dans l’estrade principale, car une personne peut y voir de là les écuries ainsi que le départ et la fin de la course.
Les gens aiment bien aussi la partie finale de la piste parce qu’ils peuvent voir les trois dernières courbes, c’est-à-dire deux à gauche et une à droite. Il est facile pour n’importe quel pilote de perdre le contrôle de sa formule 1 à cet endroit. Les spectateurs peuvent aussi apprécier cette section de la tribune 8.
De l’autre côté de l’estrade principale ou dans la tribune 1, nous pouvons voir, évidemment, le départ de la course. Bien entendu, c’est un moment électrifiant de la course.
Thomas : Avec ses 14 courbes (six à droite et huit à gauche) et une vitesse maximale de 324 km/h, est-ce que c’est une piste technique ou physique?
Baran : Ce que l’on m’a affirmé c’est que c’est plus une piste technique. Tu devrais demander à un pilote. Ha ha ha! Ils m’ont dit que c’est plus une piste technique.
Thomas : Comme le Grand Prix du Brésil, celui de la Turquie est couru dans le sens antihoraire. Est-ce que c’est un aspect à considérer?
Baran : Bien sûr. Dans les 15 autres Grand Prix, ils pilotent dans le sens horaire. Je ne sais pas à quel point cela joue pour un pilote, mais cela augmente un peu le challenge.
Thomas : Est-ce que le climat turc peut être un facteur déterminant pour les pilotes, car la température peut grimper jusqu’à 40o Celsius.
Baran : La première année que nous avons fait une course de F1 à Istanbul, en 2005, nous avons craint que la pluie tombe, et en effet, il avait plu… De plus, j’étais en Europe pour certains Grand Prix à Hockenheim (Baden-Württemberg, Allemagne) et à Hungaroring (Budapest, Hongrie) où la température de la piste était plus élevée qu’à Istanbul. Donc, il semble que cela ne soit pas un si grand facteur. Certes, il fait très chaud au mois d’août à Istanbul, mais à cause de l’altitude du circuit, la température de la piste est toujours quatre ou cinq degrés plus basse que la température ambiante à Istanbul elle-même. Pour toutes ces raisons, je ne pense pas que la température soit un facteur pour les pilotes.
Thomas : Après l’expérience de 2005, est-ce que cette piste peut procurer du challenge entre les pilotes et où un pilote va essayer d’en dépasser un autre?
Baran : À la fin de la piste, nous avons des virages abrupts. Tu m’as demandé quelles étaient les parties les plus intéressantes pour les spectateurs et je t’ai répondu les courbes parce que c’est les endroits où les pilotes ont les meilleures chances de passer. Si nous considérons les meilleurs pilotes et les meilleures voitures, ils ne peuvent pas passer aisément dans les lignes droites. Ils ont besoin des courbes pour démontrer leurs habilités. Au départ, nous pouvons différencier les meilleurs pilotes du reste. Il est possible de voir clairement la différence. C’était limpide à Hungaroring en 2006, quand Alonso est venu de l’arrière et tout d’un coup il a fait plusieurs manœuvres pour enfin se retrouver devant. C’est dans les courbes abruptes que nous pouvons voir les meilleures manœuvres.
Le Grand Prix de Turquie, une saveur différente pour la formule 1
Thomas : Comme le Bahreïn, la Chine et la Malaisie, est-ce que la Turquie apporte une nouvelle saveur à la formule 1?
Baran : Selon moi, la formule 1 devrait faire quelques changements. D’autres saveurs seraient le bienvenu. Je pense qu’il y a un peu une perte d’intérêt de la part du public. Toutefois, tout le monde sait que la formule 1 est le summum du sport automobile. Pour continuer à présenter un excellent spectacle, il faut ajouter quelque chose de nouveau. Istanbul apporte une saveur parce que c’est une ville différente dans un pays différent.
Thomas : Si vous aviez à faire un résumé du Grand Prix de Turquie, quels en seraient les points forts?
Baran : Toutes les autres cités sont merveilleuses, mais si nous considérons Istanbul, elle est la plus vieille. Il n’y pas d’autres villes qui au fil du temps a été la capitale de trois empires. Cette cité l’est. Elle est remplie de sites intéressants de l’empire romain, byzantin et ottoman, puis de l’époque turque. Istanbul est aussi une métropole. Approximativement 18 millions d’habitants y vivent. C’est une opportunité pour la formule 1 d’attirer de nouveaux spectateurs.
Thomas : Pourquoi un visiteur devrait voir le Grand Prix de Turquie plutôt qu’un autre?
Baran : Un, c’est nouveau (depuis 2005). Deux, c’est une piste qui donne du challenge aux pilotes. Il y a des virages ascendants et descendants qui testent les pilotes. Trois, cela a lieu dans une ville merveilleuse.
Thomas : Oui… Une nouvelle piste dans une ville fascinante marquée par le passage de plusieurs civilisations. Merci M. Asena.
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