10 septembre 2010

Nick Easter

(info sur Nick Easter)

L’implication d’un rugbyman

Thomas Kieller

Photos – Copyright Harlequins Rugby Club

Nick Easter : Droit devant.

Avec un solide gabarit et un sens aiguisé du rugby, Nick fonce droit devant avec le ballon en main. Il est prêt à raffuter avec force un adversaire qui veut l’amener au sol. Une chose est sûre, il cherche toujours ces quelques mètres additionnels qui mènent parfois à d’impressionnantes courses! La défense doit bien se tenir lorsqu’il prend son élan du centre du terrain en cherchant assurément un trou dans la ligne adverse. L’anglais a su perfectionner sa technique et sa compréhension de son sport lors d’un passage en Afrique du Sud en 2001. L’apprentissage fut utile puisqu’à ses deux premières saisons au sein de la formation londonienne, il a été élu coup sur coup joueur de l’année des Harlequins. Sa détermination et ses efforts soutenus lui ont permis quelques années plus tard de se joindre à l’équipe nationale avec laquelle il a joué avec fierté. Le joueur originaire d’Epsom est comblé en portant le maillot blanc anglais. Quel joueur de rugby ne le serait pas! Bon vivant et travailleur à la fois, il ne laisse pas sa place à quiconque sur la pelouse. Considérant ces qualités de joueur de rugby et son insatiable désir de victoire, on peut comprendre qu’il y a un joueur impressionnant sur le terrain.

L'entrevue a été réalisée le 21 septembre 2009 à 15h sur les terrains d’entraînement de Roehampton (Richardson Evans playing fields) où les Harlequins pratiquent à Londres, Royaume-uni.

Prélude – Après un entraînement d’équipe où au moins trente joueurs des Harlequins ont fait des exercices sur le vaste terrain vert, Nick, quelque peu fatigué par la pratique, prend 20 minutes pour discuter de la préparation d’un joueur de rugby. Nous discutons sur un banc en bois juste à côté du bâtiment principal où tout bonnement un chien dort paisiblement sur le perron!

En premier lieu, un retour en arrière (difficile début de saison)

Thomas Kieller : Lors de la saison 2008-2009, ton équipe a terminé deuxième de la Guinness Premiership. Si nous faisons un bilan des trois premiers matchs joués de la saison 2009-2010, les Harlequins les ont tous perdus. Quelle est la différence entre la performance de ces deux années?

Nick Easter : Premièrement, il faut dire qu’une saison est fort longue (22 matchs) et que nous ne sommes pas encore en forme de championnat. Nous savons que la compétition entre les équipes est féroce dans la ligue. Lors de ces trois matchs, nous avons perdu une partie avec un joueur en moins et nous aurions pu probablement gagner ce match. Nous en avons perdu une autre par seulement six points et la semaine dernière c’était vraiment serré et la partie était excitante. Ces dernières semaines, nous avons peut-être manqué d’exécution et de précision durant les pratiques et cela s’est reflété durant les matchs du samedi. Mais comme j’ai dit la saison est longue; tout va se placer.1

Thomas : Est-ce que les blessures peuvent être un facteur?

Nick : Oh oui, nous avons beaucoup de joueurs blessés dans l’équipe mais nous ne cherchons pas d’excuses à nos déboires, car les autres formations ont leur part de blessures aussi et ce à divers moments de la saison.

Implication et intensité sur le terrain

Thomas : Dans ces moments difficiles, chaque joueur doit s’impliquer encore plus sur le terrain en donnant tout ce qu’il a. Est-ce que c’est la mentalité du joueur de rugby de se donner à fond sur le terrain?

Nick : Bien sûr, tu dois donner le meilleur de toi-même tout le temps sinon tu te fais remarquer. Si un individu n’est pas entièrement là, c’est l’équipe qui en souffre. Je dirais qu’à la base c’est toute une question de préparation. Certains préfèrent relaxer avant un match, alors que d’autres sont vraiment très intenses dès qu’ils se lèvent le matin d’une partie. C’est donc une préparation individuelle. Bien entendu, un élément important parmi tant d’autres est qu’il faut apprécier ce que tu fais sur le terrain. Si tu n’es pas à l’aise à ce moment-là, tu ne seras au meilleur de tes capacités.

Thomas : C’est l’une de tes plus grandes qualités d’être intense sur le terrain aussi bien en défense qu’à l’attaque. D’ailleurs, est-ce que c’est quelque chose qui te rend fière de donner tout ce que tu as?

Nick : Oui, je ressens une sensation de satisfaction lorsque j’accomplis mon travail. Que tu gagnes, que tu perdes ou bien que le résultat est égal, il y a toujours beaucoup d’émotions. Selon le résultat, tu peux être enthousiaste ou bien un peu morose. Les jours qui suivent cette partie, tu vas tout d’abord récupérer. Par contre, après tu te sentiras bien malgré les blessures puisque tu auras tout donné.

Thomas : Nous savons que le rugby est un sport d’équipe. Donc, le résultat final est lié à ce concept?

Nick : Oui, absolument. Tu peux regarder le gars à côté de toi et s’il donne tout ce qu’il a, c’est sûr que tu seras motivé à en faire autant et ce sans considération du résultat final.

Entraînement du joueur de rugby

Thomas : Est-ce que tu es le type de joueur qui adore s’entraîner dans une salle d’entraînement, et comme aujourd’hui, sur un terrain?

Nick : Je dirais qu’un bon entraînement est basé sur des exercices de qualité et non sur la quantité. Le rugby a évolué; je suis un professionnel depuis douze ans. Nous nous entraînions de 9 à 5; avant c’était un travail de 9 à 5, mais ce n’est plus le cas maintenant. Par exemple, si tu es dans une salle d’entraînement, tu y seras 45 minutes et tu vas soulever et pousser des charges à fond. Donc, ce sera du travail de qualité parce que le rugby est un sport de « stop and go ». Un sport en puissance et en explosion. C’est la même chose lorsque tu pratiques sur le terrain; tu ne peux pas avoir des séances épuisantes et des exercices de labourage! Durant les sessions d’entraînement, il est préférable de voir de l’intensité avec un peu de pression. De cette façon, tu sauras prêt pour la partie.

Thomas : Évidemment, le rugby contemporain te mets dans une position où tu dois t’entraîner dur. Les gars sur le terrain sont plus gros qu’il y a 20 ans.

Nick : Oh oui, les joueurs sont plus gros et le jeu est aussi plus rapide. Bien entendu, il y a des contacts entre les joueurs qui conduisent parfois à des blessures. La carrière du joueur de rugby est maintenant plus courte, et c’est donc vrai qu’il ne faut pas arrêter de suivre le rythme. Par contre, ce n’est pas seulement une question de gabarit, c’est aussi une question qu’il faut penser sur le terrain. Dès fois, être plus petit peut être aussi un avantage.

Thomas : Tu parles de blessures. Est-ce que dans ton cas, tu en as eu?

Nick (frappe sur le banc de bois) : J’ai été très chanceux jusqu’à présent. Le plus longtemps que j’ai été à l’écart du jeu a été cinq semaines. Donc, je touche du bois. Je n’ai jamais eu une blessure grave qui m’aurait placé sur la touche pendant deux à six mois. J’ai vraiment été chanceux. Concernant les blessures, j’ai juste eu des déchirures musculaires et des problèmes avec mes ligaments du genou et avec un disque de mon cou.

Thomas : Certains joueurs ont eu des blessures qui font en sorte qu’ils hésitent quand ils vont au placage ou au contact.

Nick : Oui, on dit qu’on joue toujours avec quelques craintes. Dans mon cas, je suppose que ma main est un peu douloureuse, mais ce n’est pas quelque chose qui va m’arrêter ou bien qui va faire en sorte que je n’irais pas à fond. Au début de la saison, on se sent probablement en forme mais au fil des matchs, on accumule les coups et on apprend à vivre avec ces maux. Quoiqu’il en soit, cela ne peut pas affecter la façon dont tu joues parce que comme j’ai dit auparavant c’est toute l’équipe qui va payer. Dans le cas où tu te blesses, il y a d’autres joueurs dans ta position qui sont en forme et prêt à faire ton travail.

Thomas : À titre de joueur de rugby, tu dois toujours aller au contact ou tu dois foncer pour effectuer le placage.

Nick (dit sans hésiter) : Oui! Il ne faut pas se retenir. Je dirais davantage qu’il ne faut surtout pas se retenir!

Thomas : Durant la saison morte, est-ce que tu t’entraînes beaucoup en salle d’entraînement? Et que y fais-tu (des poids libres, des exercices cardio-respiratoires comme la course, etc.)?

Nick : Quand la saison se termine, il y a une pause. Nous ne faisons pas grand-chose durant les vacances en ce qui concerne le conditionnement physique. À vrai dire, nous passons du temps avec la famille, nous voyageons et nous nous amusons. Lors de la pré-saison, qui est à peu près deux mois et demi avant le début de la saison, c’est le moment où tu mets de l’ardeur en soulevant des poids. En résumé, c’est six à huit sessions d’entraînement par semaine. Nous faisons des sessions basées sur la vitesse et d’autres axées sur la puissance et sur la force afin d’avoir un bon gabarit. Tu ne peux pas faire cela durant la saison à cause des blessures, des maux et des coups que tu subis. Durant la saison, tu dois plutôt récupérer du match du samedi ou du mercredi. Tu ne peux pas faire grand-chose de plus car tu veux avoir de l’énergie dans les jambes pour le prochain match. C’est plus une question de maintenir sa force et sa puissance durant la saison. Donc, durant la pré-saison, c’est le moment où tu prends de la masse en faisant des entraînements avec des poids libres et aussi axés sur la vitesse afin d’être en forme sur le plan de l’endurance ainsi que sur le plan de la force.

Thomas : Après cela, tu mets le focus sur quoi?

Nick : Un peu après quand les matchs de pré-saison commencent, tu dois apprendre le style de jeu de tes coéquipiers et quel est le rôle de chacun dans l’équipe. C’est un aspect vraiment important.

Thomas : Et maintenant, après une défaite comme celle de la dernière partie, sur quel aspect pratiquez-vous?

Nick : Nous mettons l’accent sur les problèmes individuels et d’équipe car ce sont ces éléments du jeu qui nous ont affecté. Aussi, nous nous entraînons sur les problématiques majeures qui ont été discutées par les entraîneurs. Bien sûr, il ne faut pas trop en faire parce qu’il est toujours possible de nommer 60 choses à améliorer après n’importe quelle partie, même si nous gagnons 50-0 ou nous perdons 50-0. Qu’importe! Nous devons nous entraîner sur les aspects importants et aussi sur la base du rugby. La répétition amène la perfection, si je peux dire. Notre but est d’en arriver à cela.

Nick Easter : Le 8 de la mêlée ordonnée.

Équipe nationale

Thomas : Tu as fait la sélection nationale anglaise en 2007 lorsque tu avais 28 ans. L’attente fut longue, mais quand tu as été invité et que tu as joué sur le terrain pour ton équipe, je suis sûr que tu as apprécié.

Nick (affirme avec joie) : Oh que oui! J’ai joué devant 80 000 spectateurs au lieu de l’habituel 12 000. Premièrement, chanter l’hymne national fut un grand moment pour moi. J’ai été chanceux de le faire à Twickenham, le stade de l’Angleterre. En plus, l’équipe a remporté la victoire qui est aussi quelque chose de bien pour un premier match. C’était vraiment une journée incroyable.

Thomas : Donc, tout l’entraînement a rapporté pour toi?

Nick : Oui définitivement. Quand tu mets le chandail blanc de l’Angleterre, cela te rappelle de bons souvenirs; quand j’ai commencé avec mon club lors des matchs du samedi. Puis avec l’équipe anglaise, j’ai joué contre les meilleurs joueurs. C’était vraiment bien.

Thomas : Quel fut le point tournant qui t’a permis d’atteindre ce niveau?

Nick : Le point tournant fut en 2001 quand je suis allé en Afrique du Sud et que j’ai commencé à jouer sérieusement avec des joueurs de calibre régional et international. J’ai vraiment apprécié cela. Je me suis dit que la vie est trop courte… J’apprécie jouer au rugby et j’y suis bon, donc je devrais essayer d’aller plus loin. Évidemment, c’était un peu plus difficile que je le dis parce que je devais convaincre l’entraîneur. Je n’avais pas joué avec d’autres équipes avant. Éventuellement et avec un peu de chance, les Harlequins m’ont pris dans leurs rangs et c’est une excellente équipe pour qui jouer.

Thomas : Est-ce que ta confiance a grandi avec tes performances lors de ta première année avec les Harlequins, car tu es devenu joueur de l’année de l’équipe en 2004?

Nick : Oui cela m’a donné de la confiance parce que je jouais finalement dans la première ligue anglaise de rugby. Malheureusement, nous avons été relégués cette saison-là mais honnêtement j’ai quand même apprécié mon année parce que c’était ma première. Comme j’ai dit, tu joues contre de bons joueurs internationaux, semaine après semaine, et c’est une bonne façon de te tester. Si tu travailles assez et que tu es dédié, tu peux réaliser beaucoup, je suppose. Heureusement, j’ai pris ma chance. Avec un maximum de motivation, j’ai réussi.

Derniers mots

Thomas : Jouer au rugby sur le terrain et s’entraîner de nombreuses heures, est-ce que tu as cela dans le sang au point que tu apprécies d’en faire parti?

Nick : Oui c’est le cas. Sur un autre sujet, je suppose que je n’aurais pas l’autodiscipline d’être un athlète d’un sport individuel. Je trouve cela remarquable. Par exemple, je respecte le cycliste, le rameur ou le joueur de tennis qui s’entraîne durement. Au rugby, il y a le plaisir de la camaraderie, les plaisanteries avec les coéquipiers et la possibilité de se pousser ensemble en salle d’entraînement. À propos du conditionnement physique, c’est tout une question de qualité parce que le rugby est un sport d’explosion. Au rugby, il ne faut pas courir un marathon. L’action est basée sur des arrêts et des accélérations rapides et courtes. Donc, quand tu t’entraînes, il faut que cela soit bien fait. Et j’apprécie cela.

Thomas : Pourrais-tu me dire pourquoi un spectateur devrait voir un match des Harlequins au Stoop?

Nick (rit) : En ce moment, il ne devrait pas parce que nous ne faisons pas d’essais lors des derniers matchs. Mais habituellement, nous jouons un excellent type de rugby. Nous avons des joueurs excitants qui ont eu le plus d’essais lors de la saison 2008-2009 de la Premiership anglaise. Nous pouvons gagner des matchs relevés. Il y a aussi une ambiance incroyable dans le stade. De plus, si tu apprécies boire de la bière, il y a des bars aux alentours. La foule est vraiment amicale et nous avons leur support. Il y a une atmosphère chargée qui donne à l’endroit son cachet et le stade à belle allure avec les nouvelles estrades qui ont été bâties.

Thomas : Bien dit Nick!

Nick : Merci beaucoup Thomas. Salutations!

1. Les Harlequins ont terminé la saison 2009-2010 en 8e place améliorant leur classement de trois positions en comparaison avec le classement qu’ils avaient lors de cette entrevue.