6 mars 2009

Nathalie Dechy

(info sur Nathalie Dechy)

Du chocolat, du vin et des livres

Thomas Kieller

Nathalie Dechy : En pleine récupération.

Depuis 1994, Nathalie foule les courts de tennis du circuit professionnel de la WTA. Énergique et combative, la Française affirme davantage son jeu sur la ligne de fond et ses échanges rythmés démontrent qu’elle est toujours en bonne forme. Régulière sur le circuit, elle a participé à plus de 50 tournois du Grand Chelem consécutifs. Elle a d’ailleurs réussi à triompher lors de deux d’entre eux, ceux du US Open de 2006 et 2007 en double. Vivant à fond les grands tournois, elle a aussi défendu les couleurs de la France lors de deux Jeux olympiques et à neuf reprises lors de la Fed Cup. Ses grandes victoires en simple et en double font d’elle une joueuse redoutable. Nul doute qu’elle continuera à donner des moments haut en couleur comme elle l’a déjà fait contre Hingis, Seles et Ivanovic. Une joueuse que les inconditionnels du tennis apprécient pour la qualité de son jeu et sa détermination remarquée.

L'entrevue a été réalisée le 29 octobre 2008 à 13h50 dans la salle de conférence de presse du tournoi Challenge Bell de la Sony Ericsson WTA Tour à Québec, Canada.

Prélude – Par une journée où la neige tombe en rafale sur Québec et que les routes de la ville sont difficilement praticables, Nathalie quant à elle est détendue. Ce jour-là, aucun match n’est inscrit à son programme. Elle prend d’ailleurs le temps de discuter une vingtaine de minutes avec moi sur les passions qui l’animent dans la vie et ce bien loin des courts de tennis.

Rythme de vie d’une joueuse de tennis

Thomas Kieller : On peut facilement affirmer que le rythme de vie d’une joueuse de tennis est quelque peu effréné. Le qualificatif effréné est peut-être un peu fort…

Nathalie Dechy (dit en souriant) : Non, le mot effréné est tout à fait à propos.

Thomas : Ah bon! D’ailleurs, en 2008, tu as participé à 20 tournois et tu as joué une quarantaine de matchs. De plus, tu t’entraînes régulièrement et tu voyages beaucoup. Pour toi, est-ce que ce rythme peut s’avérer fatiguant?

Nathalie : Au début de la saison 2008 et en l’espace de trois mois, j’ai beaucoup voyagé. Je suis partie en Australie pour le début de la saison. Puis après ce tournoi, j’étais en Chine pour la Fed Cup où je représentais la France. Le lendemain de la Fed Cup, il y avait un tournoi à Paris qu’il fallait à tout pris que je joue. Donc, direction la France et le surlendemain je jouais un match. Puis après, j’ai fait le voyage de Paris à Anvers, Belgique. Dix jours après, je prenais l’avion pour le Qatar pour un tournoi à Doha. Je m’envolais deux jours plus tard pour les États-Unis avec en premier lieu un tournoi à Indian Wells sur la côte ouest tout près de Los Angeles et puis j’ai enchaîné avec un autre tournoi à Miami. Puis, je suis retournée en France pour trois jours avant de repartir pour Tokyo, encore pour la Fed Cup et cette fois-ci contre le Japon. Voilà mon début de saison 2008! Arrivée au mois d’avril, j’avais l’impression d’avoir fait trois fois le tour du monde. C’était non seulement une impression, mais j’étais vraiment fatiguée de tous ces décalages horaires et ces nombreux voyages en avion. J’ai vraiment ressenti le besoin souffler un peu et de me calmer au niveau des tournois sinon je pense que j’aurais fini la saison sur une mauvaise note. En fait, non seulement je voyageais beaucoup, mais mes résultats n’étaient pas très bons. Je pense que les deux étaient liés. À ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait que je ralentisse le rythme des tournois et faire des choix même si ce n’est pas évident afin de repartir du bon pied.

Thomas : C’est sûr que les voyages sont fatigants. Qu’en est-il des matchs?

Nathalie : Oui, c’est certain que les tournois sont fatigants, mais je pense que ce qui est difficile pour un athlète de tennis comparé aux autres sports c’est tout ce qui est décalage horaire, changement de surface et changement de température. Par exemple, lorsque que je voyage de l’Australie à la Chine, il y a une différence de quarante degrés! Je pense que le corps au bout d’un moment ne comprends plus ce qui se passe. C’est donc tout cela qui est dur et qui peut provoquer des blessures davantage que les matchs parce que nous sommes entraînés en à faire.

Thomas : Par contre, tu connais fort bien la donne, car tu es une joueuse professionnelle depuis 1994. Que fais-tu sur le plan de ta condition physique pour garder la forme?

Nathalie : Je pense que cela évolue aussi avec les années parce que plus jeune, il faut s’entraîner beaucoup et se construire une base. Je suis maintenant plus sur une période où j’essaie de rester en bonne santé tout en essayant de garder de la fraîcheur. J’aurai 30 ans dans quelques mois. Bien entendu, je ne récupère pas aussi bien à 30 ans qu’à l’âge de 20 ans. J’ai donc dû adapter mon entraînement en continuant à faire les mêmes choses mais en moindre quantité.

Thomas : Tu n’as pas le même niveau d’énergie qu’au début?

Nathalie : L’énergie, je l’ai par moment, mais la différence c’est plus au niveau de la récupération. Il est plus difficile d’enchaîner les grosses journées autant que nous pouvions le faire à 15 ou 20 ans.

Thomas : Avec ta combativité naturelle, je suppose que tu essaies tout le temps de repousser tes limites et que tu cherches toujours la victoire. Est-ce que tu ressens une pression continue à performer que ce soit pour le classement ou pour accumuler plus de bourses?

Nathalie : Je ressens toujours de la pression quand je suis au premier tour d’un tournoi ou quand j’accède à une finale. Il y a toujours de la tension dans ces genres de matchs. Pour ma part, je n’ai jamais joué pour l’argent. J’ai la chance d’être dans un sport où justement je peux en vivre. Par contre, l’argent ne m’a jamais ajouté de la pression à mon tennis. C’est plus l’envie de gagner qui m’en a ajouté. D’ailleurs, l’envie d’avoir des bons résultats, il en faut pour gagner des matchs.

Passions de Nathalie : le chocolat, le vin et les livres

Thomas : Évidemment, pour que tu sois plus à l’aise sur le court, tu dois te détendre dans tes temps libres. Tu savoures à ta manière les différents moments de la vie, et entre autres, j’ai entendu dire que tu apprécies bien le chocolat. Est-ce que tu pourrais élaborer à ce sujet?

Nathalie : Oui, j’aime le chocolat et surtout le chocolat noir. Puisque je vais régulièrement en Belgique, je peux avoir une très bonne variété de bons chocolats. Du coup, je voyage souvent avec mes petites plaquettes. Pour moi, c’est un bon dessert. C’est bon pour la santé et en plus manger du chocolat noir ça fait tellement plaisir aux papilles...

Thomas : Ah! Je sais qu’une joueuse de tennis doit faire attention à son alimentation. Or, le chocolat quoique nutritif apporte son lot de calories. Alors, comment fais-tu pour rejoindre les deux bouts?

Nathalie (qui sourit) : Et bien justement, le chocolat noir est pas trop calorique comparé aux barres chocolatées au lait ou les aliments de ce type-là. Il faut dire qu’il faut aussi en manger avec modération. Le soir, par exemple, je prends seulement deux carrés ou quelques choses comme cela. En fait, je ne me suis jamais faite une boîte de chocolat entière car je n’en ai jamais eu envie.

Thomas (rit en attendant sa dernière réponse) : Parmi les classiques belges tels Marcolini, Godiva et Léonidas, est-ce que tu as un maître chocolatier à Tournai, Belgique où tu habites qui t’offre de délicieuses découvertes?

Nathalie : J’ai justement en dessous de chez-moi un artisan-chocolatier qui travaille vraiment très bien et puis sur la Grand-Place, pas trop loin de ma résidence, il y a aussi une chocolaterie qui s’appelle Neuhaus qui font vraiment du bon chocolat. Donc, j’alterne entre ces deux là.

Thomas : Tu as parlé de plaquette de chocolat noir… Est-ce que tu te lances aussi dans les délicatesses sucrées comme les pralines, les truffes…

Nathalie (dit avec certitude et avec un grand sourire) : Non, moi c’est vraiment le chocolat noir.

Thomas : Je sais aussi que tu apprécies le vin, cela doit être ton côté français. Qu’est-ce que tu aimes dans le vin?

Nathalie : En fait, c’est plus à travers mon mari qui aime beaucoup le vin que j’ai fait cette découverte. Moi ce que j’aime, c’est visiter les vignes. Nous avons donc découvert plusieurs régions de France qui sont vraiment différentes les unes des autres. Nous sommes allés aussi en lune de miel en Afrique du Sud où nous avons vu des régions fabuleuses grâce à la visite des caves et des vignes. Pour l’instant, c’est davantage ce côté là qui m’attire que boire le vin. Comme j’ai fait un tournoi à Strasbourg et bien nous en avons profité pour visiter des caves en Alsace. Nous sommes aussi allés en vacances dans le bord de Laix pour les mêmes raisons. Je me souviens que nous avons aussi visité des vignes à Gold Coast en Australie et nous avons discuté avec les producteurs. C’est tout ce monde du vin que je trouve vraiment chouette. Il est plaisant de découvrir des régions magnifiques et ce grâce au vin. Après bien sûr, il y a la dégustation mais comme pour le chocolat je le fais avec modération. J’ai la chance de pouvoir m’arrêter sans effort. Généralement, je bois un verre et j’aime bien cela.

Thomas : Et pour une joueuse de tennis, le vin est-il considéré comme bon pour la santé?

Nathalie (dit en riant) : En France, on dit que boire un verre de vin par jour c’est très bon pour la santé. Je ne sais pas si les scientifiques nous donnent une excuse pour en boire, mais moi je sais qu’après une grosse journée ou après un gros match, cela détend. D’une certaine façon, prendre un verre de vin ou un verre de bière, cela fait du bien à tout le monde.

Thomas : Est-ce que tu apprécies plus la bière que le vin?

Nathalie : À vrai dire, la bière quoique le vin aussi permet des moments de partage. C’est possiblement pour cela que je les apprécie. J’adore les bons soupers entre copains ou en famille servis avec un bon verre de bière ou de vin.

Thomas : Sur un tout autre sujet, tu as mentionné que tu voyages beaucoup pour le tennis et par le fait même tu es continuellement dans les aéroports et dans les avions. C’est un mal nécessaire pour ton travail. Est-ce que c’est dans ces moments que tu apprécies lire un livre?

Nathalie : Oui, je bouquine beaucoup. Quand je pars en tournoi, j’ai justement toujours des livres et des magazines avec moi. Avant les matchs, c’est plutôt un magazine que je lie pour ne pas trop embarquer dans l’histoire. Je dois rester concentrée sur le match. Par contre, le soir ou dans les avions ou quand je me déplace, j’aime beaucoup bouquiner.

Thomas : Est-ce que tu trouves ennuyant le temps passer dans les aéroports et les avions?

Nathalie (affirme d’un ton certain) : J’aime pas trop prendre l’avion. C’est vraiment l’inconvénient de mon métier puisque j’y suis souvent. Si je pouvais utiliser la télétransportation, je m’en porterais bien mieux.

Thomas : Lire des livres, est-ce que cela te permet de laisser vaguer ton esprit?

Nathalie : Oui, je pense. C’est quelque chose que j’ai commencé à faire quand j’ai arrêté d’aller à l’école, car avant je n’avais pas trop le temps à cause que j’étudiais beaucoup. Quand je me suis mise à faire du tennis professionnellement, j’avais un manque à ce niveau. Et du coup, je me suis mise à vraiment beaucoup lire afin de trouver mon équilibre.

Thomas : D’ailleurs, est-ce que tu aimes faire des visites dans les librairies afin de chercher le prochain bouquin que tu vas lire?

Nathalie : Oui, j’aime beaucoup les jolies ou les vieilles librairies. Je trouve vraiment qu’on s’y sent bien. Puis, si on peut avoir de bons conseils c’est encore mieux.

Thomas : Lire un livre, c'est donc pour toi une façon d’équilibrer les choses entre ta vie de joueuse de tennis (qui demande beaucoup de ton corps et de ton esprit lors des moments plus stressants) et ta vie quotidienne.

Nathalie : Oui, je pense qu’on a besoin de moments pour se relâcher. J’ai quand même une vie bien prenante. Ce sont mes moments de repos afin de mieux repartir.

Mot de la fin

Thomas : Alors, quand tu arrives sur le court d’une manière détendue, tu offres toujours du jeu excitant à tes supporters…

Nathalie : J’essaie toujours de donner le meilleur de moi-même. En fait, je ne pense pas trop aux gens autour de moi lors d’un match. À chaque fois que j’ai vraiment voulu jouer en me disant que les gens vont aimer et bien ma concentration s’éparpillait. Alors, je n’essaie pas trop d’en faire. Je donne juste le meilleur de moi-même et de faire ressentir le plaisir que j’ai à jouer au tennis. Alors là, les gens aiment bien.

Thomas : Merci Nathalie!