11 mars 2017
Michael Chang
(info sur Michael Chang)Les différentes facettes de l’entraînement
Thomas Kieller
Combatif et déterminé, Michael a livré de nombreux matchs exaltants en jouant principalement du fond du terrain. Batailleur dans l’âme, il n’abdiquait pas facilement. Jouant un jeu très physique, il tentait de récupérer toutes les balles sur le court. D’ailleurs, en 1989, il a remporté à la dure le tournoi de Roland-Garros en battant au passage de grands noms de l’époque. Il est devenu le plus jeune champion d’un tournoi du Grand Chelem à l’âge de 17 ans. À cette victoire remarquée, il faut ajouter 33 autres championnats en simple. Ses performances l’ont hissé, en 1996, au 2e rang du classement mondial de l’Association of Tennis Professionals (ATP). Certes, les supporteurs de tennis se souviendront de ses courses renversantes tout au long de sa carrière que ce soit sur la ligne de fond ou lorsqu’il s’avançait au filet. Il a provoqué des échanges spectaculaires qui ont marqué l’imaginaire de bien des gens.
L’entrevue téléphonique a été réalisée le 2 mars 2017 à 9h45 lorsque Michael était à Orange City, États-Unis.
Attitude sur le court
Thomas Kieller : Tu as remporté le tournoi Roland-Garros à l’âge de 17 ans face au Suédois Stefan Edberg dans un match épique de cinq manches (6-1, 3-6, 4-6, 6-4, 6-2). Tu avais un style de jeu bien différent du sien. Quelle a été la différence qui a fait en sorte que tu l’as remporté cette journée-là?
Michael Chang : À vrai dire, c’est une combinaison de plusieurs points. Bien entendu, jouer sur la terre battue avantage généralement les joueurs de fond. La balle rebondit moins vite sur cette surface. D’ailleurs, c’est certainement plus difficile de jouer le service-volée, mais Stefan l’a bien fait. Il s’est rendu jusqu’en final. De plus, je pense que j’avais confiance en moi puisque je l’avais battu plus tôt cette année. Donc, cela m’a définitivement aidé pour ce match.
Thomas : La situation était particulière cette semaine-là avec ce qui est arrivé en Chine, plus précisément à la Place Tian'anmen…
Michael : En effet, tout le tournoi gravitait autour des événements de Tian'anmen. Ce fut un moment triste pour toute la communauté chinoise et ce partout dans le monde. Je voulais aller sur le court, bien faire et gagner. D’une certaine façon, je voulais mettre un sourire sur le visage du peuple chinois durant une période où il n’y avait vraiment pas de quoi sourire. Donc définitivement le but était bien plus grand qu’une simple victoire.
Thomas : Avant le match contre Edberg, tu as eu une grande confrontation au 4e tour contre le redoutable Ivan Lendl. Tu as eu ta part de crampes aux jambes durant ce match. Quelle est l’attitude à avoir pour remporter un long tournoi du Grand Chelem?
Michael : Il va sans dire que le tournoi de Roland-Garros est le plus dur physiquement. Je ne pense pas qu’il y a beaucoup de joueurs qui seront en désaccord avec moi sur ce point. Le tournoi est sur la terre battue; c’est le premier joueur qui remporte trois manches sur cinq et il faut remporter sept matchs consécutifs pour gagner le tournoi. Ce n’est pas facile. Tu peux me croire. Oui, il y a l’aspect physique à considérer, mais il faut aussi être prêt mentalement. Tu dois être prêt à jouer.
Thomas : Durant ta carrière, tu étais un bon joueur du fond du terrain. Tu étais particulièrement bon à récupérer les balles. Tu jouais un jeu physique. Est-ce que tu t’es entraîné beaucoup à ce niveau?
Michael : Oui définitivement. Tu dois t’entraîner physiquement afin d’être prêt à performer sur le court. Il n’y a aucun doute là-dessus. Tu dois faire des exercices physiques sur le terrain et aussi à l’extérieur. À ce niveau, cela joue un rôle capital. Je crois que tous les joueurs travaillent vraiment fort sur cet aspect du jeu.
Je me souviens que j’ai travaillé vraiment fort sur ma préparation pour le tournoi de Roland-Garros en 1989. J’ai fait cinq manches contre Ivan Lendl au 4e tour, cinq manches contre Stefan Edberg en finale et j’ai fait aussi quatre manches en quart-de-finale et la même chose en demi-finale1. Donc, bien entendu, il faut être prêt pour tout cela.
Tout le monde s’entraîne un peu différemment. C’est certain que si la condition physique n’est pas là, tu ne pourras pas remporter un tournoi du Grand Chelem et plus particulièrement les Internationaux de France de tennis.
Thomas : Tu avais beaucoup de détermination sur le court. Tu y allais à fond pour toutes les balles. Par contre, au tennis, il n’y pas seulement que l’entraînement physique. Comment as-tu développé cette mentalité?
Michael : Je pense qu’en partie cela vient de mon style. C’était aussi ma personnalité de me battre pour toutes les balles. Tu le sais fort bien que je n’étais pas le joueur le plus grand sur le circuit. Je n’allais pas rivaliser de force avec mes adversaires comme le feraient certains autres joueurs. Je devais jouer intelligemment. Bien entendu, l’effort que je mettais avant et pendant un match était une partie cruciale de ma façon de jouer.
Entraînement d’un joueur de tennis
Thomas : Depuis décembre 2013, tu fais parti de l’équipe d’entraîneur du Japonais Kei Nishikori. Est-ce qu’il y a une ressemblance dans son jeu et le tien?
Michael : Oui, il y a définitivement des similitudes, mais il y a aussi des différences. Jouer sur la ligne de fond, comprendre le positionnement sur le terrain et quelques autres points sont vraiment similaires. Toutefois, Key a plus de puissance dans ses coups que je ne l’avais. Probablement que je me battais plus pour les balles qu’il ne le fait. Néanmoins, si on prend le tout en général, il y a beaucoup de similitudes. Ce qui fait en en sorte que la collaboration est plus facile entre nous. D’une certaine manière, il peut s’identifier facilement à ce que je dis.
Thomas : Un joueur anglais de rubgy professionnel m’a dit un jour qu’il admirait les joueurs de tennis puisque c’est un sport individuel. Si tu as une mauvaise journée, tu vas probablement perdre. En simple, tout repose sur le joueur. Tu as déjà parlé de l’aspect physique, mais toi à titre d’entraîneur, est-ce que tu mets beaucoup l’accent là-dessus?
Michael : Oui bien entendu! Tu sais le conditionnement physique n’a pas un impact seulement sur la performance du joueur, mais aussi cela lui donne de la confiance. Lorsque tu es en forme et que tu te sens assez fort pour batailler durant les longs matchs difficiles, cela te donne toute la confiance nécessaire afin de passer à travers les moments ardus.
Thomas : Et est-ce que tu parles aussi de l’aspect psychologique du jeu afin d’être capable de surmonter les difficultés?
Michael : Cela dépend vraiment du joueur. Bien entendu, c’est quelque chose que je mentionne. Mais chaque joueur est un peu différent. Donc, tu ne peux pas nécessairement prendre la même approche pour chaque joueur. Personnellement, je prendrais tout d’abord du recul et je partirais de là.
Thomas : Nous savons tous qu’il y a beaucoup de points à travailler au tennis (aspects physiques et mentaux et aussi sur le plan stratégique). Par exemple avec Nishikori, tu mets l’accent sur quoi?
Michael : Je pense que physiquement il est plus fort. C’est un aspect que nous avons travaillé les dernières années. Sa confiance en soi a aussi été un point très important. De plus, il y a beaucoup d’autres aspects plus mineurs que nous avons travaillés. Mais les deux premiers que je t’ai dits sont les plus importants.
Thomas : On comprend que pour devenir un bon joueur c’est un très long processus…
Michael : Oui, sans aucun doute. Dans n’importe quel sport ou dans n’importe quoi que tu veux entreprendre, il n’y pas de chemin aisé. Si cela serait le cas, n’importe qui pour être le meilleur. Donc, il faut se mettre dans l’esprit que lorsqu’un défi se présente, il faut travailler là-dessus. Il faut le faire une étape à la fois, pas à pas.
Il faut aussi considérer les forces et les faiblesses du joueur. Il faut travailler sur ces points afin d’avoir un équilibre. Il est important de réaliser qu’il y a des choses qui seront acquis rapidement et d’autres qui demanderont plus de temps. Comprendre cela permet d’améliorer plus facilement les points forts et faibles du joueur.
Thomas : Durant ta carrière professionnelle, tu as eu plusieurs entraîneurs : ton père Joe Chang, l’Espagnol José Higueras et ton frère Carl Chang. Est-ce que tu as appris beaucoup d’eux concernant l’approche à avoir entre un entraîneur et un joueur?
Michael : Oui, j’ai une grande appréciation de ce qu’ils ont fait pour ma carrière. Maintenant que je suis moi-même un entraîneur, j’ai une perspective différente. Il va sans dire que j’ai appris beaucoup de mon père, de José et de mon frère Carl. À titre de coach, ils ont beaucoup contribué à m’aider à atteindre un haut niveau.
Thomas : Si nous revenons à toi à titre d’entraîneur de Kei Nishikori, est-il fondamental qu’il y est du respect des deux parties? La philosophie dans le style d’entraînement semble différer au tennis si on la compare aux sports d’équipe.
Michael : Oui! Il faut être capable de bien communiquer. La chimie doit être là. S’il n’y a pas de chimie, cela importera peu ce que tu dis. Si le joueur ne te respecte pas, ce sera là même chose. Si tu lui donnes de bons conseils mais il ne t’écoute pas, cela ne mènera à rien aussi. Donc oui il doit y avoir du respect et de la camaraderie. Il faut que les deux parties sachent que nous travaillons vers le même but. De cette façon, c’est beaucoup plus simple.
Je pense que parfois il faut être personnel avec le joueur et d’autre fois il faut être dur. Aussi, il y a des situations où il ne faut rien dire. Il y a différents moments pour dire certaines choses. Il faut savoir choisir ces bons moments.
Thomas : Merci Michael pour cet entretien sur le tennis.
Michael : De rien!
1. Cheminement de Michael Chang lors du tournoi de Roland-Garros en 1989 (sept matchs) : 1er tour – Eduardo Masso (6-7, 6-3, 6-0, 6-3), 2e tour – Pete Sampras (6-1, 6-1, 6-1), 3e tour – Francisco Roig (6-0, 7-5, 6-3), 4e tour – Ivan Lendl (4-6, 4-6, 6-3, 6-3, 6-3), quart-de-finale – Ronald Agenor (6-4, 2-6, 6-4, 7-6), demi-finale – Andrei Chesnokov (6-1, 5-7, 7-6, 7-5) et finale – Stefan Edberg (6-1, 3-6, 4-6, 6-4, 6-2).
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